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Bien que l’ours brun soit aujourd’hui protégé, il n’en reste pas moins la victime des rapports ambivalents entre l’homme et la nature. Selon la liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN (2017), l’animal fairt face à de nombreuses pressions : les conflits avec l’élevage, l’exploitation forestière, la chasse, ou encore la perte d’habitat causée par la construction d’infrastructures humaines. En France, l’ours brun n’est plus présent que dans les Pyrénées, avec une population fragile de 52 individus.

Dans la plupart des pays européens, l’ours brun bénéficie de la protection de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe du 19 septembre 1979, ou Convention de Berne. Au niveau de l’Union européenne, l’espèce est protégée par la Directive « Habitats » de 1992. Enfin, l’ours brun est protégé en France par un arrêté interministériel du 17 avril 1981.

En 1995, suite à de nombreuses décennies de chasse à l’ours, il ne reste plus que six plantigrades en France, répartis sur les vallées pyrénéennes d’Ossau et d’Aspe, alors qu’ils étaient encore 150 au début du XXe siècle. Un programme de réintroduction d’ours dans les Pyrénées est donc été lancé en 1996 pour pallier le déclin de l’espèce. Trois ours slovènes sont ainsi relâchés dans les Pyrénées centrales. Dix ans plus tard, en 2006, cinq ours de provenance slovène sont à nouveau réintroduits en France. Deux ans auparavant, le 1er novembre 2004, l’ourse Cannelle, dernière représentante d’une population d’ours de souche pyrénéenne, était abattue par un chasseur.

En 2016, l’Effectif Minimal Détecté (EMD) sur l’ensemble du massif des Pyrénées est de 41 ours, dont trois sont morts dans l’année. Une étude du Muséum national d’histoire naturelle préconise de relâcher de nouveaux individus dans les Pyrénées centrales et occidentales, afin d’éviter la consanguinité. Mais l’animal provoque l’ire des éleveurs, qui l’accusent de s’attaquer aux troupeaux. Le nombre de prédations qui lui sont attribué demeure pourtant stable, avec 161 dossiers recensés, pour un cheptel pyrénéen de 570 000 moutons. En 2017, le volet « Ours brun » de la Stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité reste d’une prudence extrême, enjoignant à laisser la population d’ours croître d’elle-même. Le climat de cohabitation dans les Pyrénées se détériore, avec quatre agents de l’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) pris à partie et menacés par des particuliers lors d’une expertise de dommages liés à l’ours, et ce alors qu’un sondage révèle que 84% des Français sont favorables au maintien d’une population d’ours dans les Pyrénées, et même à son renforcement.

Le 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Toulouse condamne l’Etat pour carence face à son obligation de protéger l’ours dans les Pyrénées, estimant son action insuffisante. Quelques mois plus tard, le gouvernement définit son plan ours pour 2018-2028. Il prévoit des mesures de soutien aux éleveurs, ainsi que la réintroduction à l’automne de deux ours femelles dans les Pyrénées-Atlantiques, pour compléter une population d’abord estimée à 43, puis à 46 individus en 2017. Cette annonce déchaîne les passions : 88,9% des 5970 participants à une consultation publique sur ce projet de relâcher s’y déclarent favorables, mais les éleveurs locaux, de leur côté, menacent de traquer et d’extirper par les armes les ours des Pyrénées. Le 5 octobre 2018, Sorita et Claverina, deux ourses femelles de Slovénie, sont finalement réintroduites par hélicoptère dans le Béarn, et simultanément annoncées gravides. Sorita mettra bas à deux oursons, qui seront plus tard tués par un autre ours mâle.

Alors que le nombre d’indemnisations liées aux attaques des ours a presque doublé en 2018 (428 dossiers contre 265 en 2017), un constat que les associations de protection de l’environnement imputent au manque de protection des troupeaux, la population de plantigrades enregistre cette année une baisse, avec un EMD de 40 individus, six de moins qu’en 2017. Le gouvernement français présente en juin 2019 une nouvelle feuille de route pour la cohabitation avec l’ours. Elle proscrit toute nouvelle réintroduction, et annonce des mesures de soutien aux éleveurs, dont un service d’alerte gratuit et un dispositif d’effarouchement graduel. Malgré un avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), ce dernier est validé en juillet, suite à un décrochement de 250 brebis dans un massif d’Ariège, imputable à la présence d’un ours. L’arrêté sera contesté par le collectif d’associations pro-ours « Cap ours », qui saisira en octobre le Conseil d’Etat et les tribunaux administratifs, au motif que l’effarouchement ne serait ni pertinent, ni efficace.

Une augmentation de la population d’ours dans les Pyrénées françaises est annoncée pour 2019 : au moins 52 individus sont dénombrés, sur une aire de présence de 10 400 km2. En 2020, c’est l’escalade de la violence : des associations dénoncent la reconduction de mesures d’effarouchement des ours bruns dans les Pyrénées, et l’un d’eux est retrouvé mort début juin à côté d’une estive ariégeoise, tué par balles. L’Etat porte plainte, et l’association Sea Shepherd annonce une récompense de 10 000 euros pour toute information permettant d’inculper le(s) responsable(s). Pro et anti-ours organisent plusieurs manifestations dans les Pyrénées, alors que vingt associations portent plainte contre X et que la prime est relevée à 50 000 euros suite à plusieurs dons. En juillet, le maire de la commune ariégeoise d’Ustou prend un arrêté interdisant la randonnée sur une portion du massif communal, invoquant un danger pour l’homme dû à la présence de l’ours, tandis que Sea Shepherd porte plainte contre la présidente du conseil départemental de l’Ariège, Christine Téqui, qui a enjoint ses concitoyens à refuser de collaborer avec la justice dans l’enquête sur l’abattage de l’ours.

En septembre 2020, dans le cadre des mesures d’accompagnement aux éleveurs, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) met en place une nouvelle équipe spécialisée dans l’effarouchement de l’ours, composée de 6 agents. Fin novembre, l’ourse Sarousse est tuée dans les Pyrénées espagnoles, portant à trois le nombre de plantigrades morts dans le massif franco-espagnol depuis le début de l’année. Alors que le bilan 2020 sur les prédations d’animaux attribuées à l’ours des Pyrénées, notamment des brebis, reflète une baisse par rapport à 2019, la Commission européenne demande à la France de mieux protéger l’espèce, dont “l’état de conservation est toujours défavorable” et de suivre les “recommandations de réintroduction ».