Pesticides: mettre « à l’arrêt » le plan Ecophyto c’est « nier la réalité », avertit un député

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La mise « à l’arrêt » du plan de réduction des pesticides, décidée par le gouvernement pour répondre à la colère des agriculteurs, « nie la réalité » des « menaces » sur la santé et la biodiversité que représentent ces produits, estime le député socialiste Dominique Potier, rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire sur « l’échec » des plans successifs Ecophyto.

Le rapport de la commission d’enquête, publié en décembre, étrillait « l’impuissance publique » à réduire l’usage des pesticides. Comment réagissez-vous à cette mise « à l’arrêt » prononcée par le Premier ministre Gabriel Attal?

Cette annonce est profondément démagogique parce qu’elle nie la réalité. Le réel, ce sont des menaces énormes sur notre sécurité alimentaire si nous ne changeons pas. Les coûts en matière de santé publique et d’eau potable vont être gigantesques.   On peut de façon démagogique appuyer sur pause le plan Ecophyto, mais on ne peut pas appuyer sur pause les risques pour la santé humaine, l’effondrement de la biodiversité, l’accélération du dérèglement climatique.  Pour complaire à des intérêts particuliers, on est en train de sacrifier l’intérêt général.   La commission d’enquête, qui s’était fondée sur des sources scientifiques reconnues et des rapports d’inspection d’État, avait établi un diagnostic unanimement partagé, celui de l’urgence d’une sortie, progressive bien sûr, des pesticides avec un cap qui n’a cessé d’être repoussé depuis 2009 et que le gouvernement fin novembre avait fixé à 2030, pour réduire de 50% l’utilisation des pesticides.   Il y a urgence, à protéger la planète et les générations futures, mais aussi à prendre soin des travailleurs de la terre, qui sont les premières victimes des pesticides.

Craignez-vous une remise en cause de cet objectif de diminuer de moitié l’usage des pesticides? 

Cet objectif, tous les experts nous disent qu’il est insuffisant, c’est déjà un compromis avec la réalité, et nous avons déjà beaucoup de retard sur cet objectif minimal. Y renoncer serait terrible. Et au passage, on fragilise l’Europe en la rendant coupable de maux que nous n’avons nous-mêmes pas traités dans notre pays. C’est désarmant.   Depuis le premier plan Ecophyto, il y a quinze ans, les résultats ne sont pas à la hauteur, mais il y avait au moins une révolution culturelle. L’annonce [du gouvernement] vient ruiner cette révolution culturelle et même elle menace l’autorité scientifique (l’agence Anses) qui était la seule à produire des résultats tangibles en matière de retrait des molécules les plus toxiques. C’est extrêmement grave.

L’agence sanitaire indépendante Anses est régulièrement visée, dernièrement pour avoir interdit un pesticide avant l’Union européenne. Ces attaques répétées vous inquiètent-elles?

A travers cette commission d’enquête, nous voulions répondre aussi à une offensive qui a démarré il y a exactement un an contre l’agence de sécurité sanitaire et qui vise à remettre en cause sa mission d’intérêt général et de protection de la santé publique, conformément au règlement européen.    L’agence sanitaire fait exactement ce qu’on lui demande, c’est-à-dire d’estimer si un produit est dangereux ou pas pour la santé humaine et l’environnement.  Laisser entendre que notre agence serait coupable d’un excès de zèle (…) est très dangereux.   Il y a parfois un décalage [entre une décision de l’Anses et celle de l’autorité européenne de sûreté des aliments, l’EFSA], mais cela n’excède jamais une saison de récolte.  On peut demander à l’Anses plus de pédagogie, mais on ne peut pas lui demander d’obéir à des injonctions politiques ou de lobbies économiques. Sa mission, c’est l’intérêt général.

Propos recueillis par Anne-Sophie LASSERRE