Le dérèglement climatique, qui déchaîne incendies, ouragans, disparition d’espèces, migrations humaines… est le point fort du festival Visa pour l’image à Perpignan, où des photographes témoignent de cette menace grandissante, certains ayant commencé à l’illustrer bien avant l’alarme générale.
« La nature nous parle ! Mais ce qui marque vraiment les gens, c’est de voir les incendies, les tempêtes (…) Sur une très courte période, cela touche, et de plus en plus vite, d’importants centres de population » partout sur la planète, estime James Balog. Ce photographe américain de 71 ans travaille depuis quatre décennies sur ce thème central d’au moins sept des 24 expositions présentées jusqu’au 17 septembre à la 35e édition du festival. Des dizaines et dizaines d’images montrent que les catastrophes affectent aussi bien les Etats-Unis, qui connaissent leurs premiers déplacés climatiques en Louisiane dont témoigne Sandra Mehl, que la Somalie où Giles Clarke est allé à la rencontre d’habitants fuyant la sécheresse. Issu d’une famille de mineurs, ayant grandi entre zones industrialisées et nature sauvage, James Balog a été très jeune exposé à l’impact de l’activité humaine sur la planète. « C’est dans mes os et dans mon sang », explique-t-il à l’AFP. « Avant, les gens pensaient à la faune menacée, à la déforestation », mais ce n’est qu’au début des années 2000 qu’une poignée de scientifiques, puis peu à peu « le public en général a commencé à être plus conscient (…) du réchauffement des océans, de la surpêche, du plastique, etc. », note-t-il.
Montée des eaux
Entre ses portraits d’animaux hors de leur habitat naturel, dont un loup dressé parmi les parpaings d’une maison en construction, ou les dégâts du tsunami de 2005 en Indonésie et ceux des mines dans le Colorado, une photo attire aussi l’oeil, bien que, ou parce que, moins explicite. « J’ai essayé de symboliser la montée du niveau de la mer », précise-t-il devant l’image d’une femme immergée, avec son jeune fils dans les bras, en Floride. « Lorsqu’il sera un vieil homme, la mer sera beaucoup plus haute. En sept ans déjà, depuis que j’ai pris cette photo en 2016, elle est montée d’environ 21 mm ! » Une montée des eaux qui fait peu à peu disparaître l’île Jean-Charles, en Louisiane, ainsi que le montre Sandra Mehl, photographe française de 42 ans, qui a consacré sept ans à ce travail. « Sur cette île, précise-t-elle, il y avait 500 habitants au plus fort du peuplement. Il n’en reste qu’une dizaine » sur une bande de terre cernée par les eaux du bayou, et qui ne fait plus que 300 m de large sur trois km de long. Les autres sont partis, certains relogés sur le continent, dans un lotissement sans un arbre. D’autres végètent dans des caravanes, sans moyens pour quitter ces abris sensés être temporaires, tous victimes du dérèglement climatique qui « fait disparaître des territoires, des communautés, des cultures ».
« Ligne de front »
Selon Sandra Mehl les évolutions « sont telles qu’à l’échelle d’une vie, on voit les changements: les plus anciens de Jean-Charles disent que, quand ils étaient enfants, du haut des porches des maisons, on ne voyait même pas l’eau, seulement la forêt à perte de vue. Maintenant, l’eau est juste là ! ». Une eau qui manque cruellement ailleurs, comme en Somalie, où Giles Clarke s’est rendu à quatre reprises depuis 2017. « C’est la pire sécheresse en quarante ans: 1,4 million de personnes ont quitté leurs foyers en 2022 et un quart vivent dans des camps, déplacées », explique ce photographe de 58 ans, né à Londres et vivant à New York, attaché à « montrer la réalité de la condition humaine, bonne ou mauvaise ». La Somalie, pays de 17 millions d’habitants, est, selon lui, « vraiment sur la ligne de front de la crise climatique globale: déplacements massifs, famine, malnutrition (…) 80% du blé qui venait d’Ukraine et, à cause de la guerre, le prix a grimpé ». Parmi ses photos, aux couleurs aussi paradoxalement chatoyantes que les scènes sont dramatiques, une femme tenant dans les bras son enfant dénutri. Un peu plus loin une autre image: la tombe du bébé qui a succombé trois mois plus tard. Sur le simple monticule de terre, un homme verse une offrande: de l’eau.