Les pesticides regroupent les substances de synthèse chimique utilisés pour détruire ou lutter contre des organismes considérés comme nuisibles pour les denrées alimentaires et les produits agricoles. Ce sont autant des insecticides (notamment les néonicotinoïdes), que des herbicides (dont le glyphosate) ou les fongicides.
Ces dernières années, plusieurs études scientifiques ont alerté sur les dégâts collatéraux des pesticides sur la faune et la flore mondiale. Ainsi, en 2017, des chercheurs ont montré que la biomasse des insectes volants, essentiels aux écosystèmes, a diminué de plus de 75% en près de trente ans en Allemagne, probablement à cause des pesticides agricoles. En 2018, les scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont à leur tour exposé le déclin vertigineux des oiseaux des campagnes en France, en lien avec l’augmentation de l’utilisation des néonicotinoïdes. Ces derniers sont par ailleurs jugés responsables de la disparition progressives des pollinisateurs, tels que les abeilles et les bourdons.
Depuis le 1er janvier 2019, la mise sur le marché et la vente de pesticides de synthèse aux non professionnels est interdite en France. C’est ainsi que le Round-up, l’herbicide à base de glyphosate de Monsanto, a disparu des magasins pour un usage grand public. La même année, les collectivités s’enorgueillissent d’utiliser de moins en moins de produits phytosanitaires, notamment en Île-de-France, où les deux tiers des communes sont passés à zéro pesticide pour les espaces extérieurs. Malgré ces efforts, le constat est sans appel : alors que les plans Ecophyto I et II devaient réduire de 50% l’utilisation globale des pesticides en France, celle-ci a augmenté de 25% entre 2009 et 2019. Un échec étrillé par la Cour des comptes, qui a rappelé que plus de 600 millions d’euros d’argent public avaient été investis pour ces plans. Même constat à l’échelle européenne, avec un rapport de la Cour des comptes européenne qui affirme, début 2020, que les Etats membres n’ont pas atteint leurs objectifs de réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides : environ 350.000 tonnes de substances actives sont utilisées dans l’UE chaque année, posant des risques pour la qualité des eaux et des sols, la biodiversité et les écosystèmes.
A l’automne 2019, afin de protéger les populations riveraines, des maires – à commencer par celui de Langouët, en Bretagne – multiplient la promulgation d’arrêtés anti-pesticides sur leur commune, le plus souvent annulés par la justice. Le Collectif des maires anti-pesticides a ainsi été créé alors même le gouvernement était en phase de consultation du publique pour un projet de décret prévoyant, dans le cadre des épandages de pesticides aux abords des habitations, des distances de sécurité de 3, 5 ou 10 mètres, selon le type de cultures. Les associations environnementales fustigent immédiatement ce dispositif, promulgué par décret le 27 décembre 2019, ainsi que les défaillances du processus de consultation publique : le gouvernement avait tardé à publier ses résultats, dont la synthèse était prête depuis plusieurs semaines.
Pendant la période du premier confinement en France, au printemps 2020, l’ex ministre de l’agriculture Didier Guillaume autorise, par un simple communiqué, les agriculteurs à épandre leurs pesticides en s’affranchissant des distances de sécurité, déjà jugées très faibles par nombre d’ONG.
Le glyphosate
Le glyphosate, un désherbant chimique, est le pesticide le plus utilisé dans le monde. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer l’a déclaré « cancérigène probable » pour l’homme, contredisant ainsi les agences de santé américaines ou européennes qui avaient assuré l’innocuité du Roundup de Monsanto, dont le principe actif est le glyphosate. De son côté, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a estimé en 2017 que ce dernier ne présentait pas de caractère cancérigène et n’était pas non plus un perturbateur endocrinien. Mais dans le même temps, l’indépendance de cette agence d’évaluation a été mise en doute : il a été montré qu’elle basait exclusivement ses rapports sur des études non publiées, fournies par l’industrie chimique – dont Monsanto.
Le 27 novembre 2017, après un vote des Etats membre de l’UE, la Commission européenne annonce que le glyphosate serait autorisé à nouveau pour cinq ans, jusqu’en 2022, au sein de l’Union. Le même jour, Emmanuel Macron s’engage, lui, à interdire le pesticide controversé d’ici trois ans, soit au plus tard le 27 novembre 2020, pour la majorité des usages. Finalement, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea), farouchement opposée aux restrictions sur l’utilisation des pesticides en général et du glyphosate en particulier, obtient du président de la République de renoncer à cette promesse, un « constat d’impossibilité » annoncé par le Chef de l’Etat lors du « Grand débat national » en janvier 2019.
Début 2020, la polémique éclate à nouveau sur le processus d’évaluation et de certification en vue de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate. En février, une vidéo diffusée par des associations provoque un scandale en Allemagne : le laboratoire LPT, qui a participé aux études de certification de l’herbicide pour toute l’Europe, falsifiait ses résultats et infligeait des traitements abominables aux animaux « cobayes ». Un mois plus tard, une autre ONG allemande, LobbyControl, révèle que les études « indépendantes » utilisées pour justifier l’autorisation du glyphosate en Europe étaient financées par Monsanto (aujourd’hui rachetée par Bayer). En juin, c’est au tour de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de s’attirer les critiques de députés et de lanceurs d’alerte qui fustigent, dans le cadre d’une étude sur le potentiel cancérogène du glyphosate, de graves manquements au code de déontologie.
En octobre 2020, l’Anses annonce des restrictions dans les six mois à venir de l’utilisation du glyphosate pour la vigne, les fruits ou les céréales, afin de réduire les quantités de pesticides utilisées en France. La ministre de l’écologie Barbara Pompili indique également que, malgré une baisse des deux tiers des usages non agricoles du glyphosate depuis 2011, ainsi que des volumes vendus (8 800 tonnes en 2017, 6 100 en 2019), seuls 50 % des usages de l’herbicide devraient être exclus en 2021, confirmant l’abandon de l’engagement d’Emmanuel Macron de 2017. En novembre, dans une interview, celui-ci justifie cet échec par une responsabilité collective des Etats membres de l’UE.
Les néonicotinoïdes
Les néonicotinoïdes sont des insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes et utilisés principalement en agriculture, pour la protection des plantes. Ils sont surnommés les « pesticides tueurs d’abeilles », car ils endossent une grosse responsabilité dans le déclin général des pollinisateurs, comme l’ont prouvé une multitude d’études scientifiques depuis plusieurs années.
En France, la loi sur la biodiversité de 2016 a prévu l’interdiction de tous les néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018. A l’échelle de l’UE, trois pesticides néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) ont également été interdits d’utilisation pour toutes les cultures en plein champ en décembre 2018, après que les évaluations des agences telles que l’Efsa ont avéré leur dangerosité pour les abeilles. L’Anses, qui s’est penchée sur les risques et les bénéfices de l’usage des néonicotinoïdes, a indiqué dans le même temps que pour une majorité de ses usages, des alternatives (chimiques et non chimiques), suffisamment efficaces et opérationnelles, existaient.
En novembre 2020, alors que l’ONG Générations Futures déclare que plus de 10% d’échantillons d’aliments d’origine végétale contrôlés en 2017 présentaient des traces de résidus de néonicotinoïdes, la France fait partiellement marche arrière sur l’interdiction de ces pesticides : le Parlement adopte un projet de loi autorisant leur retour temporaire, à titre dérogatoire, pour les producteurs de betteraves à sucre, qui pourront les utiliser jusqu’en 2023 pour traiter leurs semences. Si l’Etat se justifie par la nécessité de sauver la filière betteravière, les ONG fustigent cette décision et des députés et sénateurs de gauche saisissent le Conseil Constitutionnel.