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En France, les populations de cétacés sont en danger d’extinction. Les dauphins font partie des espèces les plus présentes dans les eaux françaises. Ils doivent constamment faire face à des menaces telles que la pêche accidentelle, le tourisme, le trafic maritime ou encore la pollution.

Les cétacés sont soumis à diverses pressions liées aux activités humaines. La pêche accidentelle est la menace la plus importante en France. Ce phénomène touche principalement la façade Atlantique. Au cours de l’année 2018, 1383 échouages de cétacés ont été recensés sur le littoral français métropolitain. En 2019, le nombre d’échouages de dauphins s’élevait à 2087. Ce chiffre est largement supérieur à la moyenne des dix années précédentes (990 échouages). L’Observatoire Pelagis-CNRS estime que « 90 % des dauphins échoués portaient des marques de pêche, traces de filets, trous de gaffes et mutilations » occasionnés par les filets où ils étaient emprisonnés et les manœuvres pour les en dégager. France Nature Environnement (FNE) impute donc principalement la mortalité des dauphins à la pêche au chalut pélagique.

En 2018, le gouvernement présentait un certain nombre de mesures dans le Plan biodiversité, dont l’action n°43 qui prévoyait de « mettre en place dès 2018 un plan national pour la protection des cétacés afin de limiter leur perturbation, réduire significativement les échouages de mammifères sur les côtes françaises et les captures accidentelles dans les filets de pêche ». Les associations de protection de la nature ont constaté un an après que le dossier n’avançait pas. Les cétacés sont toujours massivement victimes des filets de pêcheurs. La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) estime que la France serait l’un des seuls pays avec l’Espagne à refuser les progrès techniques pour éliminer les captures accidentelles d’espèces sensibles proposés par le Parlement européen. Le gouvernement français a réagi en mettant en place de nouvelles mesures. L’une consiste à améliorer les connaissances sur les interactions pêcheurs-mammifères marins, en marquant les dauphins rejetés en mer pour connaître le taux d’échouage et en augmentant l’observation embarquée par des observateurs du programme OBSMER. Les navires de la flottille française pratiquant la pêche au chalut pélagique (filet qui ne touche pas le fond marin) ont également été tous équipés de « pingers », dispositifs dissuasifs acoustiques destinés à éloigner les cétacés des chaluts.

En dépit de la loi européenne demandant aux pays de l’Union d’assurer la protection des cétacés, le nombre d’échouages de dauphins sur les côtes n’a pour autant pas diminué. Une situation qui a amené une vingtaine d’ONG à demander à la Commission garante de l’application de la législation européenne d’ouvrir des procédures d’infraction contre la France et d’autres pays.

Depuis, la pêche au chalut pélagique n’est plus autorisée sur le plateau de Rochebonne, zone naturelle sensible d’environ 100 km2, située à l’ouest de l’île de Ré. Malgré les quelques efforts de la France, Bruxelles a ouvert en juillet 2020 une procédure d’infraction dans le dossier de la protection des cétacés. La Commission a jugé que la France, ainsi que l’Espagne et la Suède, “n’ont pas pris de mesures suffisantes pour surveiller les captures accessoires dans leurs eaux et par leurs flottes, ni utilisé pleinement les possibilités offertes par la Politique commune de la pêche pour se conformer à l’obligation qui leur incombe, en vertu de la directive Habitats, de protéger ces espèces“. Les pays mentionnés se sont vus donnés trois mois pour remédier aux problèmes identifiés, sous peine d’un deuxième avertissement.

Les activités économiques en mer perturbent la santé des cétacés, et le tourisme n’y est pas pour rien. Au départ de la côte d’Azur, différents opérateurs offrent des excursions pour nager avec les dauphins sauvages. Cette activité rencontre un véritable succès en France. Cela consiste à placer les clients dans l’eau, à proximité immédiate des cétacés – dauphins, baleines ou cachalots – qui ont préalablement été traqués par des avions de repérage à basse altitude. La FNE rappelle qu’aucune licence n’est exigée des opérateurs et que l’activité est peu réglementée. La nage avec les mammifères marins représente un stresse de plus pour les espèces déjà constamment soumises aux autres activités humaines : le bruit, la pollution, la raréfaction des ressources alimentaires etc.

« L’immersion d’un homme à proximité d’un cétacé provoque généralement l’interruption de l’activité d’alimentation et de reproduction de l’animal ou encore l’éclatement du groupe et la séparation des nouveau-nés et de leurs mères » décrivent les associations de protection. Une pétition a été lancée en 2017 par différentes associations soutenant la protection des cétacés, notamment la FNE, le GREC et la Fondation pour la Nature et l’Homme, qui ont appelé Emmanuel Macron à faire interdire cette activité, ou à minima « que les sanctions et les contrôles soient renforcés ».

Au niveau du sanctuaire Pelagos, au-delà des menaces déjà mentionnées, les cétacés présents (rorqual commun, cachalot et dauphins) doivent cohabiter avec le trafic maritime, un vrai danger pour leur survie. « La Méditerranée est une des zones au monde avec le plus fort trafic maritime, souligne Alain Barcelo, président du comité scientifique pour le sanctuaire Pelagos Selon une étude du WWF, des navires de commerce, de pêche et de plaisance ont parcouru plus de 18 millions de kilomètres cumulés en 2014 à travers le sanctuaire, soit… 460 fois le tour de la Terre. Avec des conséquences pour les mammifères marins. « Les collisions sont la première cause de mortalité non naturelle pour les cachalots et les rorquals communs au sein de Pelagos ».

En 2017, la loi pour la reconquête de la biodiversité prévoyait la généralisation de dispositifs de partage des positions des cétacés. L’obligation pour les bateaux battant pavillon français de s’équiper de dispositifs anticollisions (le Repcet) est alors entrée en vigueur. Elle concerne les navires de l’Etat, de charge et de transport des passagers, d’une longueur supérieure à 24 m et naviguant dans les sanctuaires marins Pelagos, en Méditerranée, et Agoa, dans les Antilles. Les exploitants de tels navires qui ne respecteraient pas cette obligation seraient passibles de 30 000 € d’amende. Toutefois, un décret du 10 mars a établi des exonérations à l’obligation du dispositif anticollision pour les bateaux naviguant ponctuellement, c’est-à-dire ayant effectué moins de dix navigations, dans l’une ou l’autre de ces deux zones au cours de l’année civile précédente. Le texte pose également les caractéristiques techniques à respecter par le dispositif de partage des positions.

En octobre 2020, Annick Girardin, ministre de la Mer, présentait de nouvelles mesures pour limiter les captures accidentelles de dauphins, écartant alors une restriction de la pêche dans le golfe de Gascogne largement réclamée par les défenseurs de l’environnement. Le plan proposé par la ministre prévoit d’imposer les dispositifs acoustiques destinés à éloigner les cétacés à tous les chalutiers concernés durant toute l’année. Il inclut aussi la présence d’observateurs sur les navires, l’expérimentation de caméras à bord et le renforcement du survol aérien « pour définir l’aire de distribution des populations de dauphins qui fréquentent le golfe de Gascogne« . Ce choix d’Annick Girardin a été fortement critiqué par les défenseurs de l’environnement tels que France Nature Environnement mais apprécié du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). « Les pêcheurs réaffirment leur volonté d’approfondir le travail mené avec les scientifiques afin de trouver des solutions idoines et pérennes pour endiguer les prises accidentelles« , a-t-il indiqué dans un communiqué.

Annick Girardin a détaillé au JDD ses mesures pour endiguer la hausse des échouages de dauphins sur les côtes atlantiques. “A partir du 1er janvier 2021, il y aura davantage de contrôles sur l’obligation qui est faite aux pêcheurs de déclarer leurs prises dites accessoires. Jusqu’ici ce n’était pas respecté”, déclare Annick Girardin au Journal du Dimanche. “Les captures accidentelles de dauphins, il y en a. D’autres espèces en sont aussi victimes. Mais nos connaissances scientifiques sont insuffisantes pour remettre en cause la totalité d’une filière aujourd’hui“, a-t-elle affirmé. “Ce n’est pas parce que quelques pêcheurs ont des pratiques irresponsables qu’il faut tous les condamner. (…) Ce qui m’intéresse moi, c’est comment on protège les dauphins tout en ayant une activité de pêche. Le développement durable, c’est prendre en compte l’écologie et l’activité humaine“, a ajouté la ministre.

Un arrêté publié jeudi 3 décembre obligera l’ensemble des chalutiers à s’équiper de ces dispositifs acoustiques à partir du 1er janvier 2021, ce qui fera passer de 40 à 80 le nombre de navires équipés, a précisé le ministère, indiquant qu’au moins 25% des navires seront contrôlés. Et l’obligation s’appliquera toute l’année, et non plus seulement quatre mois par an. « Cette décision nous engage en faveur d’une limitation des captures de cétacés« , a déclaré la ministre Annick Girardin dans un communiqué, alors que la Commission européenne accuse la France de ne pas respecter ses obligations envers le dauphin commun, espèce protégée. D’autres engagements sont à prévoir pour 2021. « Ils portent notamment sur le renforcement de la connaissance de l’état de conservation de la population des cétacés et des interactions entre les navires de pêche et les dauphins » a indiqué la ministre.