Par une décision rendue le 15 avril 2021, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rejeté le recours des Pays-Bas contre l’interdiction de la pêche électrique en Europe. La pratique principalement utilisée par les navires néerlandais sera donc bien interdite le 1er juillet 2021.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rejeté le 15 avril 2021, le recours des Pays-Bas contre l’interdiction de la pêche électrique en Europe. Amsterdam, qui a déposé son recours en octobre 2019, estimait que le Conseil et le Parlement européen avait violé plusieurs dispositions du droit de l’Union. « L’interdiction de la pêche électrique n’a pas été établie sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles », écrivait la ministre néerlandaise de l’Agriculture Cora Schouten dans une lettre envoyée à la chambre basse du Parlement néerlandais. La ministre jugeait également que cette interdiction entravait l’innovation et le développement technologique.
La pratique de la pêche électrique qui consiste à envoyer depuis un chalut des impulsions électriques dans le sédiment pour y capturer des poissons vivant au fond des mers, est prohibée en France depuis le 14 août 2019. Elle sera interdite dans toute l’Europe à compter du 1er juillet 2021.
Dans son arrêt publié jeudi, la CJUE, basée au Luxembourg, a estimé que les Pays-Bas n’avaient « pas démontré le caractère manifestement inapproprié » de cette interdiction. « Si les études scientifiques et techniques disponibles contiennent des appréciations parfois divergentes sur l’étendue des incidences négativesde la pêche électrique, aucune n’énonce, en revanche, contrairement à ce que soutiennent les Pays-Bas, que cette méthode serait dépourvue d’incidence négative sur l’environnement », affirme la Cour.
La décision de la CJUE « était le dernier espoir pour de nombreuses entreprises familiales » utilisant cette méthode de pêche « dans cette période déjà difficile », a regretté l’organisation néerlandaise représentant l’industrie de la pêche. La décision européenne « est basée sur une campagne de dénigrement et non sur les meilleurs avis scientifiques disponibles », assure l’organisation, qui estime que 84 navires des Pays-Bas recourent à la pêche électrique. Cela représente environ 0,1% de la flotte européenne.
A l’appui de sa décision, la Cour fait aussi valoir que Bruxelles dispose d’un « large pouvoir d’appréciation » dans le domaine de la pêche, l’UE se voyant conférer par les traités une « compétence exclusive » en matière de conservation des ressources halieutiques et marines. Enfin, « l’objectif de l’Union de promouvoir le progrès scientifique et technique n’implique pas une obligation pour le législateur de transposer dans un acte législatif toute technique nouvelle, au seul motif qu’elle serait innovante », conclut l’arrêt.
Les Pays-Bas sont les principaux partisans en Europe de cette technique de pêche, dénoncée de longue date par les « petits » pêcheurs français adeptes de la méthode artisanale, qui fustigent la « concurrence déloyale » des bateaux néerlandais dans les eaux du nord de la France et du Royaume-Uni. Les pêcheurs français accusent par ailleurs la technique d’être éminemment destructrice pour la faune et les fonds marins avec des impacts négatifs sur les oeufs et larves des poissons, mettant en péril leurs ressources. « Pour satisfaire une poignée d’industriels cyniques, les Pays-Bas avaient saisi la CJUE sur la base d’avis scientifiques biaisés (…) Le coup de bluff politique n’a pas fonctionné. Ce jugement signe le triomphe de l’intérêt général », s’est félicitée jeudi dans un communiqué l’ONG environnementale Bloom.
La pêche électrique est interdite en Europe depuis 1998 par un règlement en faveur de la conservation des ressources de pêche mais bénéficiait de dérogations depuis 2007, à titre expérimental, dans une zone du sud de la mer du Nord. Une dérogation principalement utilisée par des pêcheurs néerlandais qui ont bénéficié de fonds européens pour équiper leurs navires, poussant leurs homologues français à dénoncer une inégalité de traitement. En 2018, le Parlement européen avait pris position contre cette pratique controversée, à l’encontre d’une proposition de la Commission qui voulait lever la restriction en vigueur (limitant alors cette pêche à titre expérimental à 5% de la flotte européenne), ce qui avait conduit l’année suivante à son interdiction à partir de juillet 2021.