Comme nous, les bourdons et les chimpanzés peuvent transmettre leurs compétences

Antonios Ntoumas de Pixabay

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Antonios Ntoumas de Pixabay
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Les bourdons et les chimpanzés peuvent apprendre auprès de leurs congénères des compétences si complexes qu’ils n’auraient pas pu les développer seuls, une capacité considérée jusqu’ici comme propre à l’espèce humaine, selon deux études publiées mercredi.

L’évolution de la culture humaine reposerait en partie sur l’accumulation d’innovations et leur transmission via l’apprentissage social, qui permet d’améliorer les performances de génération en génération. Et d’aboutir à des techniques si élaborées qu’un individu ne saurait découvrir indépendamment.

« Imaginez des enfants largués sur une île déserte. Avec un peu de chance ils seront capables de survivre mais pas d’apprendre seuls à lire et à écrire », résume Lars Chittka, professeur d’éthologie à la Queen Mary University de Londres et co-auteur d’une étude de Nature, dans une vidéo jointe à la publication.

Plusieurs expériences ont déjà démontré des facultés d’apprentissage social chez des animaux. Grâce à quoi certains de leurs comportements peuvent se perfectionner au fil du temps, suggérant qu’ils possèderaient une forme de « culture cumulative »: cassage des noix chez les chimpanzés, modifications des trajectoires chez les pigeons…

Mais les scientifiques n’excluent pas que ces facultés puissent aussi émerger spontanément, via l’existence d’une « zone de solutions latentes » dans le cerveau.

Des chercheurs ont décidé de faire le test sur des bourdons, des insectes sociaux rodés aux entraînements en laboratoire.

Ils ont soumis un premier groupe à un parcours sophistiqué en deux temps vers une récompense sucrée: il fallait d’abord pousser une languette bleue qui une fois dégagée, permettait de pousser une seconde languette rouge et d’ouvrir la voie à la récompense sucrée.

Une rude épreuve pour les bourdons puisque la première étape ne menait à rien. « On leur demandait un apprentissage sans contrepartie », ils détestaient ça », raconte à l’AFP Alice Bridges, docteure à la Queen Mary University, co-autrice de l’étude.

Les malheureux s’acharnaient sur la languette rouge, sans comprendre qu’il fallait d’abord débloquer la bleue pour obtenir leur pitance. Découragés, ils abandonnaient.

« Démonstrateurs » versus « naïfs »

Pour remotiver les troupes, chercheurs ont introduit dès la première phase une récompense temporaire, retirée progressivement, ce qui a in fine aidé les participants à résoudre le puzzle.

Les « démonstrateurs » ont ensuite été disposés par pairs avec des congénères « naïfs » ignorant tout du problème, qui ont observé leurs guides avant de s’entraîner individuellement. Résultat: 5 des 15 observateurs ont franchi d’emblée les deux étapes, sans récompense intermédiaire. « On a été tellement surpris, on est devenus presque fous dans le labo! », se souvient Alice Bridges.

L’échantillon est certes réduit « mais la conclusion est claire: la tâche était exceptionnellement difficile et pourtant, certains bourdons ont pu l’accomplir via l’apprentissage social », relève Alex Thornton, du Centre d’écologie et de conservation de l’Université britannique d’Exeter, dans un commentaire associé à l’étude.

Ces travaux sont les premiers à démontrer un phénomène de culture cumulative chez des invertébrés, soulignent les auteurs.

Une faculté dont semblent également dotés les chimpanzés, nos plus proches parents, selon une autre étude parue dans Nature Human Behaviour, menée par Edwin van Leewen de l’Université d’Utrecht (Pays-Bas).

Des primates du sanctuaire de Chimfunshi en Zambie disposaient dans leur enclos d’un distributeur de cacahuètes nécessitant la manipulation d’une balle et d’un tiroir, en trois phases. Un système complexe s’inspirant de comportements naturels, quand les chimpanzés s’arment d’outils – des bâtons – pour ramasser des termites.

Pendant trois mois, 66 individus ont exploré l’appareil sans qu’aucun n’en saisisse le fonctionnement, signe qu’il n’était pas possible d’y arriver seul. Les chercheurs ont alors entraîné deux chimpanzés, avec succès, afin qu’ils puissent diffuser leurs nouvelles compétences au sein de leurs groupes.

Au bout de deux mois d’observation, 14 primates naïfs maîtrisaient l’appareil. Et plus ils avaient regardé leurs démonstrateurs, plus ils parvenaient à résoudre rapidement le problème, précisent les auteurs.

Ils en concluent que « les chimpanzés utilisent l’apprentissage social pour acquérir des compétences qui dépassent » les taches rudimentaires impliquant la zone de solution latente.

Pour Alex Thornton, « la force de ces deux études réside dans ce qu’elle révèle sur les humains, qui ont tendance à surestimer leurs capacités par rapport aux autres animaux ».