69 milliards d’euros, c’est le coût minimal annuel des dégâts provoqués par les insectes envahissants dans le monde, estime une équipe internationale de chercheurs menée par Franck Courchamp, directeur de recherche CNRS au laboratoire Ecologie, systématique et évolution.
Depuis les dégâts sur les biens et services jusqu’aux coûts en matière de santé, en passant par les pertes pour l’agriculture, cette étude rassemble la plus importante base de données jamais élaborée des dégâts économiques imputables aux insectes envahissants dans le monde : 737 articles, livres et rapports ont été pris en considération. Ces travaux sont publiés dans Nature Communications le 4 octobre 2016. Depuis des milliers d’années, les insectes ont été responsables de la propagation de maladies chez l’Homme et le bétail, et de dégâts considérables, (anéantissement des cultures et réserves, destruction d’infrastructures, dévastation des forêts…), altérant ainsi les écosystèmes et les rendant plus fragiles. Dans le règne vivant, la seule classe des insectes (environ 2,5 millions d’espèces) est probablement le groupe le plus « coûteux ». De plus, ils font partie des espèces envahissantes les plus virulentes : 87 % des 2 500 invertébrés terrestres ayant colonisé de nouveaux territoires sont des insectes.
Les scientifiques ont estimé à 69 milliards d’euros par an le coût minimal des dégâts causés par les insectes envahissants dans le monde. Parmi les insectes étudiés, le termite de Formose serait l’un des plus destructeurs : plus de 26,7 milliards d’euros de dégâts lui seraient imputables chaque année dans le monde. Des études plus précises placent également sur le « podium » des insectes les plus ravageurs la teigne des choux (4,1 milliards d’euros) et le longicorne brun de l’épinette (4 milliards d’euros de dégâts pour le seul Canada !).
D’après cette étude, l’Amérique du Nord enregistre les plus importantes pertes financières avec 24,5 milliards d’euros par an, tandis que l’Europe n’est pour l’instant « qu’à » 3,2 milliards d’euros par an. Mais cette différence s’explique par un manque de sources d’évaluation et non par une réelle différence d’exposition au danger. Ainsi, selon les chercheurs, le coût annuel total estimé de 69 milliards d’euros est largement sous-évalué. De nombreuses régions du monde n’offrent pas assez de données économiques pour produire une estimation précise, qui a donc été minimisée. De plus, l’équipe de chercheurs s’est concentrée sur l’étude des dix espèces invasives les plus coûteuses, sans comptabiliser celles, très nombreuses, qui provoquent moins de dégâts. Enfin, si l’on considère les valeurs estimées pour les services écosystémiques à l’échelle globale (plusieurs centaines de milliards de dollars pour la seule pollinisation des cultures), les perturbations causées par les insectes envahissants pourraient atteindre un niveau bien au-delà de l’estimation actuelle. Les insectes dans leur ensemble pèsent particulièrement sur l’agriculture en consommant 40 % des « biens de consommation » (l’équivalent de ce qui pourrait nourrir un milliard d’êtres humains).
Sur la santé, le coût global attribuable aux insectes envahissants dépasse 6,1 milliards d’euros par an (sans prendre en compte le paludisme, l’impact économique provoqué sur certains facteurs comme le tourisme, la productivité, etc.).
Références de l’article : Massive yet grossly underestimated global costs of invasive insects. Corey J.A. Bradshaw, Boris Leroy, Céline Bellard, David Roiz, Céline Albert, Alice Fournier, Morgane Barbet-Massin, Jean-Michel Salles, Frédéric Simard & Franck Courchamp. Nature Communications. 4 octobre 2016.
DOI: 10.1038/ncomms12986