Le partenariat de 3 ans entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et L’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP) a été lancé alors qu’une étude a attesté de la présence de pesticides néfastes aux abeilles dans 75% du miel mondial. Il souhaite améliorer les mesures de prévention ou de limitation des risques liés à l’usage de ces produits.
Des traces de pesticides toxiques pour les abeilles ont été détectées dans 75% du miel produit dans le monde entier, suscitant l’inquiétude pour la survie de ces pollinisateurs cruciaux pour l’agriculture. Les concentrations relevées dans 198 échantillons de miel produits sur toute la planète ne sont pas considérées comme dangereuses pour l’homme. Elles sont en effet inférieures au plafond autorisé par l’Union européenne, selon l’étude publiée jeudi dans la revue Science. Après avoir constaté que 34% des échantillons contenaient des « concentrations de néonicotinoïdes connus pour être nocifs » aux abeilles, les scientifiques ont prévenu qu’une exposition chronique à ces substances pesticides menaçait la survie de ces petits insectes volants. Les abeilles pollinisent les plantes tout en butinant le nectar des fleurs, qui s’accumule dans la ruche pour former l’épais miel. Elles interviennent dans la pollinisation de plus de 90% des 107 plus importantes cultures sur Terre mais, ces dernières années, elles succombent au syndrome dit « d’effondrement des colonies d’abeilles ». Ce mal mystérieux entraîne la disparition ou la mort d’essaims entiers. « Ces découvertes sont alarmantes, a estimé Chris Connolly, un expert en neurobiologie de l’université de Dundee, auteur d’un article accompagnant la publication de l’étude. Les niveaux relevés sont suffisants pour affecter les fonctions cérébrales des abeilles et pourraient entraver leur habilité à trouver de la nourriture et à polliniser nos cultures et notre végétation », a-t-il mis en garde. Les néonicotinoïdes ont été qualifiés de facteur essentiel au déclin mondial des abeilles. Leur utilisation a été en partie interdite par l’Union européenne en 2013. Les échantillons collectés en Europe dans le cadre de l’étude l’avaient en grande majorité été avant l’entrée en vigueur de cette interdiction, a signalé M. Connolly. Des analyses supplémentaires sont nécessaires pour apprécier l’efficacité de l’initiative européenne.
Les scientifiques ont concentré leurs analyses sur les cinq types de néonicotinoïdes les plus utilisés: acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride et thiaméthoxame. Apparus au milieu des années 1990, ces pesticides dérivent de la structure chimique de la nicotine et s’attaquent au système nerveux des insectes. « Au total, 75% de tous les échantillons de miel contenaient au moins un néonicotinoïde », selon cette étude pilotée à l’université suisse de Neuchâtel. « Sur ces échantillons contaminés, 45% en contenaient au moins deux et 10% quatre ou cinq ». La fréquence de contamination la plus élevée a concerné les miels d’Amérique du Nord (89%), devant l’Asie (80%) et l’Europe (79%). L’Amérique du Sud a présenté la plus faible (57%). « Ces résultats suggèrent qu’une partie importante des pollinisateurs dans le monde sont probablement affectés par les néonicotinoïdes », ont relevé les scientifiques. Les Nations unies ont prévenu en 2016 que 40% des invertébrés pollinisateurs –en particulier abeilles et papillons– risquaient une extinction à l’échelle mondiale. Quelque 20.000 espèces d’abeilles vivent sur Terre. Les experts ont reconnu que ces découvertes n’étaient pas vraiment une surprise, estimant néanmoins que la menace représentée par ces substances devait être prise sérieusement. « Les niveaux relevés (jusqu’à 56 nanogrammes par gramme) se trouvent dans la fourchette bioactive ayant montré que cela affectait le comportement des abeilles et la santé des colonies, a commenté Jonathan Storkey, spécialiste des végétaux, qui n’a pas participé à l’étude. Des scientifiques ont prouvé cette année que des niveaux inférieurs à 9 ng/g réduisaient la capacité reproductive des abeilles sauvages », a-t-il souligné. Et, selon lui, « l’accumulation des pesticides dans l’environnement et les concentrations retrouvées dans les ruches représentent une grave préoccupation environnementale et va probablement contribuer au déclin des pollinisateurs ». Pour Felix Wackers, professeur à l’université de Lancaster et non impliqué dans l’étude, les niveaux d’exposition aux pesticides nocifs pourraient être bien supérieurs à ce qui peut être quantifié dans le miel. Cette étude « montre que les abeilles mellifères sont communément exposées à ce type de pesticides quand elles butinent du nectar contaminé aux néonicotinoïdes sur des cultures traitées ou des fleurs ayant été en contact avec des nuages d’étendage ou des résidus au sol », a-t-il relevé.
Afin de détecter au plus tôt et mieux prévenir les effets indésirables des pesticides sur la santé des abeilles, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et L’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP) ont signé un accord de partenariat de trois ans. Celui-ci intervient dans le cadre d’un dispositif de phytopharmacovigilance mis en place par l’Anses, ayant pour objectif de récolter régulièrement et systématiquement des données sur les effets négatifs des produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché, et d’instaurer des mesures de prévention ou d’interdiction de ces produits en conséquence. Par la signature de l’accord, l’ITSAP, qui concourt au développement et à la bonne santé de l’apiculture française, a rejoint le dispositif de phytopharmacovigilance et l’alimentera en « données concernant l’exposition de l’abeille domestique aux produits phytopharmaceutiques et leurs effets sur les colonies, ainsi que sur la contamination des matrices apicoles », indique l’Anses dans un communiqué. Une détection précoce des « signaux pouvant amener à prendre des mesures de prévention ou de limitation des risques pour la santé des abeilles liés » aux pesticides sera ainsi rendue possible.