« Coup de com » ou « coup de poker » ? Le projet de loi intégrant la protection de l’environnement dans le préambule de la Constitution est présenté mercredi 20 janvier en Conseil des ministres, première étape avant un référendum à risque pour Emmanuel Macron.
Demande répétée des écologistes, le projet de loi intégrant la protection de l’environnement dans le préambule de la Constitution va être présenté le 20 janvier en Conseil des ministres. Censé traduire l’engagement présidentiel pris en décembre devant les membres de la Convention climat, ce projet vise à introduire « les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique » dans l’article 1 de la loi fondamentale de 1958. L’examen de cette réforme, qui pour être adoptée devra être approuvée en des termes identiques par les députés et les sénateurs, s’ouvrira début mars à l’Assemblée nationale où la formulation promet de premiers débats houleux. Signe précurseur du bras de fer et des joutes verbales à venir, le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains) a mis en garde ce week-end l’exécutif contre toute tentation de « faire un coup« , fustigeant une réforme « superfétatoire« . « La charte de l’environnement introduite en 2004 par Jacques Chirac a déjà valeur constitutionnelle« , a insisté le président de la chambre haute, à majorité de droite, avant de fixer plusieurs lignes rouges.
Pas question d’inscrire, comme le souhaitent les membres de la Convention citoyenne pour le climat, la lutte contre le dérèglement climatique dans le préambule de la Constitution ni d’écrire que la République « doit garantir » cette lutte. À la place, Gérard Larcher propose de la mentionner « dans un article au même niveau que d’autres libertés fondamentales, l’égalité entre l’homme et la femme, la liberté d’entreprendre » et de privilégier le verbe « agir » à « garantir« .
Derrière cette bataille de mots, majorité et opposition jouent gros à un an et demi de l’élection présidentielle où la question climatique devrait occuper un rôle de premier plan. Côté majorité, l’adoption de cette réforme constitutionnelle permettrait à Emmanuel Macron de « verdir » son quinquennat et de battre en brèche les critiques sur le manque d' »ambition générale » de l’exécutif en matière de climat. « Sur le plan politique, c’est essentiellement un coup de poker pour faire oublier les jokers qui d’exception sont devenus la règle« , relève Clément Sénéchal, de Greenpeace France. « C’est une manoeuvre politicienne dans la mesure où Emmanuel Macron vise à confronter la droite avec ses contradictions« . Côté opposition, la droite est en effet contrainte à un jeu d’équilibriste, écartelée entre sa volonté de ne faire aucun cadeau au chef de l’État avant 2022 et celle de ne pas être taxée de conservatisme par une opinion publique de plus en plus favorable à la protection de l’environnement.
Les semaines et les mois qui viennent seront donc loin d’être une promenade de santé pour l’exécutif qui garde en mémoire ses tentatives avortées depuis le début du quinquennat de réviser la Constitution. À cette course d’obstacles s’ajoute la promesse d’Emmanuel Macron de soumettre cette question à référendum, une promesse qualifiée de « coup de com » par ses détracteurs. « C’est sûrement pour le moment l’arbre qui cache la forêt« , reconnaît Grégoire Fraty, coprésident de l’association « Les 150« , qui rassemble la majorité des participants à la Convention climat. Mais « un oui franc et massif et très puissant lors d’un référendum donnerait peut-être le déclic qui manque à nos politiques aujourd’hui« . Processus long et complexe, le référendum n’est toutefois pas sans risque pour Emmanuel Macron – l’exercice ayant au cours de la Ve République souvent revêtu une dimension plébiscitaire.
« C’est vrai que lors d’un référendum c’est souvent plus une réponse à l’émetteur qu’à la question« , reconnaît un proche du chef de l’État. « Après le sujet est suffisamment éloigné du plébiscite personnel pour que les électeurs n’aient pas le sentiment de faire un chèque à Macron en votant pour« , veut croire ce ténor de la majorité.