Des données inédites ont permis à l’ONG BLOOM de déterminer que le nombre de navires néerlandais équipés en chaluts électriques était supérieur au nombre de dérogations officiellement accordées par les Pays-Bas. L’Allemagne et la Belgique seraient également dans l’illégalité. L’ONG demande à la France ainsi qu’à la Belgique de saisir la Cour de justice de l’Union européenne.
Toujours vent debout contre la pêche électrique, qui sera interdite dans l’Union Européenne à partir du 1er juillet 2021, et l’est déjà en France depuis le 14 août 2019 ; l’association Bloom vient de publier un nouveau rapport, intitulé « Au-delà de l’illégal – L’étrange réticence de la Commission européenne à s’attaquer au dossier de la pêche électrique« , dans lequel elle révèle notamment une fraude des Pays-Bas sur le nombre de ses navires équipés en chaluts électrique. La révélation a été rendue possible par des lanceurs d’alerte, qui a donné accès à l’ONG à des données de la PEFA (Pan European Fish Auctions), une plateforme créée en 2008 permettant aux acheteurs de surveiller et d’acheter des produits de la mer dans quinze criées situées aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède et en Italie. BLOOM a eu accès à des données inédites provenant de 6 des 11 criées néerlandaises. Le rapport affirme qu’après analyse, il apparaît que « le nombre de dérogations accordées par les Pays-Bas pour l’exploitation des chalutiers électriques a largement dépassé le chiffre officiel de 84 navires« . En réalité, ce sont au moins 95 bateaux qui ont pratiqué la pêche électrique, souligne-t-il.
Ces données ont également permis de découvrir que « l’Allemagne est également devenue une nation pratiquant la pêche illégale en équipant un nouveau navire [de chaluts électriques] — en avril 2020 — en violation flagrante et irréfutable du droit européen« , continue le rapport. Le navire en question, le BRA-2 BUTENDIEK, navigue sous capitaux néerlandais. Le 20 juillet 2020, BLOOM a ainsi déposé une plainte contre l’Allemagne auprès de la Commission européenne, restée sans réponse pour le moment. Mais l’Allemagne ne serait pas la seule dans l’illégalité : « Au cours des derniers mois, BLOOM a été alertée par des pêcheurs belges que le navire néerlandais TH10 DIRKJE pêchait régulièrement dans les 12 milles nautiques belges« . BLOOM assure que ce navire pêche au chalut électrique en Belgique, alors que le pays a interdit cette pratique dans ses eaux territoriales. Enfin, ces nouvelles données de criée associées aux trajectoires des navires disponibles sur le site Global Fishing Watch, l’ONG britannique Blue Marine Foundation (BLUE), partenaire de BLOOM, affirme que le chalut électrique était encore fréquemment utilisé dans certaines zones protégées du Royaume-Uni en 2019. Des navires de plus de 40m comme le TX38 opèrent par exemple au nord du Banc de Norfolk, une aire marine protégée.
Le 2 septembre dernier, BLOOM avait officiellement demandé à la France de déposer auprès de la Cour de justice de l’Union européenne un recours en carence contre la Commission européenne. Aujourd’hui, elle demande la même chose à la Belgique. S’il aboutissait, un tel recours pourrait obliger la Commission européenne à poursuivre les Pays-Bas en justice pour pêche illégale. « Nous avons peu d’illusion, pour ne pas dire aucune, quant à la volonté de la Commission à agir contre les intérêts néerlandais. Jusqu’à présent, elle a systématiquement choisi la fuite en avant et continue de foncer tête baissée dans le mur, foulant au pied l’intérêt général et son rôle de Gardienne des Traités« , explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. L’ONG affirme que la Commission européenne s’obstine à refuser de sanctionner les Pays-Bas, permettant ainsi à l’industrie néerlandaise de s’affranchir en toute quiétude des règlements en vigueur : « Des infractions sont toujours découvertes, comme le montre ce rapport, et la Commission européenne continue de soutenir le lobby néerlandais de la pêche électrique d’une manière totalement incompréhensible« , conclut le rapport. « Le temps est venu de joindre l’action à la parole conformément aux discours, aux engagements et aux obligations réglementaires. »
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