Branle-bas de combat face à la peste porcine

Photo © Pascal Debrunner via unsplash

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La Pologne est descendue dans la rue pour dénoncer le « massacre » des sangliers face à la peste porcine, une accusation bien vite démentie par un ministre. Dans le même temps, en Belgique, la vigilance a été renforcée dans un secteur limitrophe de la France pour éviter la diffusion de la maladie.

Des centaines de personnes ont manifesté mercredi 9 janvier à Varsovie pour dénoncer le « massacre » de milliers de sangliers sauvages dans le cadre d’une politique visant à lutter contre la peste porcine africaine, qui menace les élevages porcins du pays. L’union des chasseurs polonais PZL a indiqué avoir abattu, à la demande des ministères de l’environnement et de l’agriculture, 164.000 sangliers depuis avril 2018, s’approchant du quota fixé à 185.000 pour la saison 2018-2019. Le ministère de l’environnement a désormais ordonné l’organisation de battues massives durant les derniers weekends de janvier, déclenchant la montée des protestations des défenseurs des animaux. Les manifestants mercredi 9 devant le Parlement polonais, certains déguisés en sanglier, brandissaient des pancartes dénonçant le « massacre des sangliers ». Des scientifiques polonais ont envoyé une lettre au Premier ministre Mateusz Morawiecki, appelant à un arrêt « immédiat » des battues et recommandant des alternatives comme l’usage de désinfectants dans les élevages de porcs pour enrayer l’épizootie. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) demande également la fin des abattages massifs de sangliers, mettant en garde contre leurs effets à long terme sur les écosystèmes. « Les sangliers sont une espèce clé dans l’écosystème, ils s’en prennent à des insectes nuisibles et sont une source essentielle de nourriture pour les loups », a souligné Piotr Chmielewski, un expert en biodiversité du WWF en Pologne. 

Le ministre polonais de l’Environnement a toutefois démenti jeudi 10 janvier tout projet de suppression massive des sangliers du pays, face aux dangers de la peste porcine africaine, alors que les pétitions pour dénoncer une telle mesure recueillent plusieurs centaines de milliers de signatures. « Aucun ordre n’a été donné pour éliminer les sangliers sauvages, les plans (de chasse) ont été élaborés comme chaque année », a déclaré Henryk Kowalczyk à la chaîne de télévision privée TVN. Il a néanmoins confirmé les chiffres fournis par la PZL. « Ce n’est pas autant que cela, comparé aux années précédentes », a-t-il poursuivi, citant des chiffres de la PZL, faisant état de 308.000 animaux tués en 2017-2018 et de 282.000 en 2016-17. Le ministre a également démenti que les autorités aient donné l’ordre aux chasseurs d’abattre des laies gravides ou avec des petits, ce qui suscite une forte colère chez les défenseurs de l’environnement et les chasseurs. La peste porcine africaine a été détectée pour la première fois en Pologne en 2014, sur un sanglier venu du Bélarus. Elle a depuis affecté quelque 3.200 sangliers et cochons dans plus d’une centaine d’endroits à travers toute la Pologne, entre février 2014 et l’été dernier, selon l’agence polonaise de pressee PAP. Selon des scientifiques et des défenseurs de l’environnement, les battues massives des trois derniers week-ends de janvier pourraient bouleverser l’écosystème et favoriser la propagation même des cas de peste porcine africaine, qui est mortelle pour les sangliers et les cochons mais qui est inoffensive pour l’homme. Près de 500.000 personnes ont signé les pétitions condamnant des battues de janvier. Et plus d’une centaine d’universitaires ont signé la lettre ouverte au Premier ministre conservateur polonais.

La peste porcine a également et à nouveau fait parler d’elle à la frontière franco-belge. Les autorités belges ont décidé vendredi 11 d’étendre jusqu’à la frontière française la zone géographique dans le sud francophone de la Belgique soumise à une vigilance particulière au risque de peste porcine africaine. Après la découverte à la mi-septembre, en Wallonie (sud), du premier sanglier mort de ce virus venu d’Europe de l’est, le gouvernement wallon avait décidé une série de mesures, parmi lesquelles la délimitation de zones interdites d’accès à certains publics (promeneurs, chasseurs etc). Un des objectifs était de limiter la circulation des sangliers pour éviter la propagation du virus. Mais le 9 janvier, a indiqué le gouvernement wallon dans un communiqué, deux cadavres de sangliers porteurs du virus ont été retrouvés, pour la première fois, dans un secteur non concerné par les mesures d’interdiction de chasse et de circulation. Ces deux cas, selon le communiqué, « confirment la forte progression observée du virus vers l’ouest », en l’occurrence vers les départements français des Ardennes et de la Meuse, dans le secteur des communes belges de Meix-devant-Virton et Sommethonne. Le gouvernement wallon a donc décidé d’« élargir le périmètre de la zone tampon et de vigilance ». La « zone tampon » (interdiction de chasse, exploitation forestière restreinte) est élargie de 3.700 hectares vers l’ouest, sur un territoire compris entre deux routes nationales belges (88 et 871) qui franchissent la frontière française. A Sedan, dans les Ardennes françaises, une réunion sur la prévention de la peste porcine était organisée vendredi entre le ministre français de l’Agriculture Didier Guillaume et son homologue de Wallonie, René Collin. Aucun traitement n’existe contre ce virus potentiellement ravageur pour les sangliers, mais aussi pour les élevages porcins. Outre les mesures de restriction d’accès à certains secteurs forestiers, le gouvernement wallon avait décidé à l’automne l’abattage préventif de 4.000 porcs. La Wallonie souhaite aussi l’élimination d’ici à mars 2020 de la moitié des quelque 30.000 sangliers recensés sur son territoire. Dans cette région, dont une bonne partie du territoire entre les frontières française et allemande est constituée des forêts ardennaises, la population de sangliers a augmenté de 43% depuis quatre ans.