Lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle « Démocratie plus représentative, responsable et efficace » plusieurs députés ont fait adopter des amendements visant à inscrire le principe de non-régression dans la Constitution. Mais le chemin est encore long…
Quoique technique en apparence, la bataille qui se joue à l’Assemblée nationale autour du projet porté par Emmanuel Macron de réforme de la Constitution est de la plus haute importance stratégique. A l’occasion de sa réforme des institutions (baisse du nombre de parlementaires, introduction de 20 % de proportionnelle, etc), le gouvernement envisage d’inscrire la lutte contre le changement climatique dans la loi fondamentale. Avancée considérable ? En théorie, oui. Sauf que le diable est dans les détails : c’est à l’article 34 de la Constitution, qui énumère les domaines de compétences relevant du pouvoir législatif, que le premier ministre prévoyait d’introduire le changement climatique. En clair : la Constitution indiquerait que ce qui touche au changement climatique relève de la compétence du parlement. La portée juridique et normative de cette inscription serait… nulle. « Du green-washing constitutionnel » pour nombre d’ONG. Mais plusieurs députés ont fait adopter en commission des amendements qui inscriraient non seulement la lutte contre le changement climatique mais aussi le principe de non-régression environnementale, à l’article 1 de la Constitution, ce qui serait une toute autre affaire. Toutes les lois devraient, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, se conformer à cet obligation de non-régression, formulée ainsi : « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Depuis l’adoption en août 2016 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, le principe ainsi formulé est bisn inscrit dans la loi, mais du coup seules les normes juridiques de rang inférieur (décrets, arrêtés, etc) lui sont soumis. Si le principe figurait dans l’article premier de la Constitution, c’est la loi elle-même qui devrait désormais s’y conformer.
Hier, l’annonce a annoncé que l’impératif environnemental figurerait bien à l’article 1. Mais il est resté évasif sur la formulation qui sera finalement retenue. Certains ténors de la majorité, tel le président de l’assemblée nationale François de Rugy, ont fait connaître leur souhait que l’inscription de l’écologie dans cet article fasse l’objet dune rédaction « précise sur la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité ». Mais lui-même n’a pas été plus précis que cela.
Aux craintes formulées par certains parlementaires qu’une telle disposition rende impossible tout projet d’aménagement, le conseil d’Etat vient d’apporter un élément de réponse : non, le principe de non-régression ne peut pas être invoqué dans toutes les procédures, et notamment il n’interdit pas les mesures de simplification administrative. Ainsi, alors que les associations d’opposants aux éoliennes (Vent de colère, etc) contestaient le décret du 26 janvier 2017 qui dispense la construction d’éoliennes de permis de construire dès lors qu’elles font l’objet d’une autorisation environnementale en invoquant ce principe, la haute juridiction administrative les a déboutées en expliquant que « si le décret attaqué dispense les projets d’installation d’éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l’obtention d’un permis de construire, il n’a, en revanche, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables (…). Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de non-régression posé par l’article L. 110-1 du code de l’environnement au motif qu’il dispenserait ces projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables ne peut donc qu’être écarté ».