Une équipe du Muséum national d’histoire naturelle montre qu’avec le réchauffement climatique, la taille des espèces pourrait diminuer, mais avant tout dans les régions déjà chaudes, comme le pourtour méditerranéen.
Les conséquences, nombreuses et variées, du réchauffement climatique sur la biodiversité sont étudiées depuis plusieurs années par les scientifiques. « Face aux changements climatiques, les espèces sauvages sont forcées de répondre sur trois dimensions pour échapper aux conditions changeantes, c’est-à-dire pour fuir la chaleur : l’espace, le temps, et la physiologie« , raconte Nicolas Dubos, chercheur en écologie au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) dans The Conversation. Spatialement, les espèces se déplacent de plus en plus vers les pôles au fur et à mesure que les températures augmentent. Temporellement, elles décalent leur cycle biologique : « les cerisiers par exemple fleurissent plus tôt au printemps, et les marmottes sortent de leur hibernation de plus en plus précocement. » Enfin, les réponses physiologiques aux changements concernent le métabolisme et peuvent se traduire notamment par des changements de taille corporelle.
Le physiologiste Carl Bergmann avait décrit la règle stipulant que dans les régions froides, les animaux à sang chaud ont tendance à être de plus grande taille corporelle que leurs congénères des régions chaudes. Ainsi, un ours polaire est largement plus grand qu’un ours malais. « Les individus plus grands, conservant mieux leur chaleur corporelle, ont été favorisés par la sélection naturelle dans les régions froides, réduisant les risques d’hypothermie, explique Nicolas Dubos. L’inverse est vrai aussi : les individus plus petits ont été sélectionnés dans les régions chaudes du fait d’un moindre risque de mortalité lié aux coups de chaleur. »
Le chercheur a voulu savoir si la règle de Bergmann s’appliquait dans un contexte de réchauffement climatique : les animaux rétrécissent-ils partout ? Est-ce vraiment lié à une adaptation pour une meilleure thermorégulation ? Son équipe du MNHN a ainsi utilisé les données de science participative du programme de suivi temporel des oiseaux communs par capture (STOC), et a démontré que « les jeunes oiseaux sont en effet plus petits les années particulièrement chaudes, mais seulement autour de la Méditerranée, là où la chaleur est déjà contraignante dès le printemps. » Ainsi, les rouges-gorges du sud de la France sont légèrement plus petits que ceux du nord. Dans les régions plus fraîches, une chaleur plus élevée permettrait au contraire aux oiseaux d’économiser de l’énergie, qui peut être investie dans la croissance corporelle.
« Ces effets contradictoires de l’augmentation des températures pourraient aussi bien affecter la croissance des oiseaux via un effet indirect sur la disponibilité alimentaire dans les écosystèmes« , continue Nicolas Dubos. L’augmentation des températures autour de la Méditerranée conduirait à une aridification et moins de nourriture pour les oiseaux ; tandis qu’ailleurs en France un printemps plus chaud offrirait plus d’insectes pour les oisillons, via une croissance des plantes stimulée. Le réchauffement climatique pourrait donc faire rétrécir les animaux, mais en premier lieu dans les régions déjà chaudes. « Rien ne prouve qu’il s’agisse d’une adaptation. Les dernières avancées dans le domaine […] soutiennent qu’il s’agirait au contraire des conséquences négatives d’une dégradation environnementale« , conclut le chercheur.