Pressions sur la nature en France : l’exemple du changement climatique (3 mn)

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Une carte des pressions sur la nature en France a été publiée par l’ONB. Décryptage de l’une de ces menaces et de quelques unes de ses conséquences : le changement climatique.

L’Observatoire national de la Biodiversité (ONB) a publié une carte des pressions sur la nature en France, qui compile les cinq grandes menaces énoncées en mai dernier par le Giec de la biodiversité: l’artificialisation des sols, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions et les espèces exotiques envahissantes. Les zones les plus impactées se trouvent autour des grandes métropoles, dans les plaines et sur les littoraux. Les grands massifs montagneux demeurent aujourd’hui les plus préservés. Focus sur quelques exemples concrets et actuels en France de l’une de ces menaces: le changement climatique. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Changement climatique et flore.

Une récente étude menée par des chercheurs du Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation (CESCO), de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM)  et de l’Institut d’ecologie et des sciences de l’environnement de Paris (IEES) montre que la flore française est en train de changer sous l’effet du réchauffement climatique. 2428 espèces de plantes provenant de 3118 sites ont été caractérisés sur une période de neuf ans, de 2009 à 2017. « les chercheurs ont découvert que l’identité et l’abondance des espèces présentes à un endroit donné a changé depuis 2009 : la végétation est composée de plus en plus d’espèces tolérant bien les températures élevées, au détriment des espèces préférant les climats plus frais« , résume le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans un communiqué relatif à la publication. Ce phénomène global est en observé en plaine dans l’ensemble des milieux, qu’ils s’agissent des milieux urbains, prairiaux, agricoles ou forestiers. Les scientifiques affirment que le changement climatique favorise « le maintien et l’implantation des plantes à préférence thermique forte, c’est-à-dire celles qui tolèrent le mieux la chaleur« , tels que l’Avoine barbue (Avena barbata) ou le Brome de Madrid (Anisantha madritensis). A l’inverse, les espèces à préférence thermique faible, tels que la Renouée faux-liseron (Fallopia convolvulus) ou le Cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris), « voient en moyenne leur abondance décliner et perdent du terrain face à l’augmentation des températures« .

Le changement climatique entraînant une augmentation de la température globale en France, il n’est pas sans lien avec les épisodes de canicules de plus en plus intenses caractérisant les périodes estivales. Les conséquences de la sécheresse de 2018 et de la canicule de fin juin 2019 sont aujourd’hui pleinement visibles sur les forêts, notamment dans les Vosges, où de plus en plus de sapins meurent sur pied, tués à vitesse accélérée par la sécheresse et la chaleur. « On pense qu’on est au début du phénomène plutôt qu’au milieu« , avec une fréquence accentuée de sécheresses importantes comme signe clair du réchauffement climatique, avertit Cédric Ficht, directeur de l’agence de Mulhouse de l’Office national des forêts (ONF). Dès que la cime des sapins des Vosges commence à rougir, l’arbre peut mourir en quelques semaines, puis les sapinières affaiblies font la joie des parasites. En six mois, 100.000 m3 de sapins ont séché sur la moitié sud du Haut-Rhin. En Suisse, les hêtres « ont déjà séché ou sont en passe de dépérir » sur une surface identique, a prévenu le canton du Jura. Par effet domino, les épicéas des Vosges, affaiblis par le manque d’eau, sont eux colonisés par les scolytes, des coléoptères creusant des galeries sous l’écorce et empêchant la sève de circuler. Déjà 1,2 million de m3 en France ont été touchés en 2018, un volume qui pourrait tripler en 2019. « On n’a jamais connu une crise de cette ampleur là« , selon Sacha Jung, délégué général de Fibois Grand Est, la fédération interprofessionnelle du bois. L’invasion est continentale : 60 à 80 millions de m3 d’épicéas en Europe ont déjà été infestés. Avec des arbres mettant 100 ans à grandir, la forêt doit déjà être adaptée aux conséquences du réchauffement climatique au siècle prochain. Épicéas et sapins se limiteront aux altitudes élevées, d’autres essences prendront le relais plus bas.

Changement climatique et poissons d’eau douce

Malgré des efforts de conservation et de repeuplement des rivières, une espèce de poissons d’eau douce sur cinq est menacée en France, en raison du réchauffement et des activités humaines, selon un état des lieux établi par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. « Même quand il y a des efforts sur certains poissons, le fait qu’on soit face à des changements climatiques et à des aménagements empêche certaines espèces de remonter la pente », explique le professeur au Museum national d’Histoire naturelle, Philippe Keith, qui a participé à l’actualisation de la « Liste rouge » de ll’UICN présentée jeudi 11 juillet. Sur les 80 espèces étudiées, six ont disparu (dont trois qui n’existaient que sur le territoire métropolitain), quatre sont en danger critique d’extinction, six en danger et cinq jugées vulnérables. Certains types d’esturgeons, d’anguilles, de loches, de brochets font partie des 15 espèces de poissons d’eau douce menacées d’extinction. En tout, ce sont 39% des espèces, contre 30% en 2013, qui sont considérées comme menacées ou quasi menacées (qui correspond à une tendance à la baisse du nombre d’individus sans assez de données pour confirmer l’inquiétude). En cause, la présence de l’Homme qui construit des digues, érige des barrages (empêchant les migrations), draine les rivières pour l’irrigation, prélève de l’eau, extrait des granulats et altère donc le milieu naturel. Le changement climatique y est également pour quelque chose. Ainsi les saumons de la Loire ont fait l’objet d’une politique spécifique de gestion, de réintroduction, de reproduction et certains barrages ont été supprimés. « Mais ce sont d’énormes efforts qui ne sont pas récompensés parce que l’espèce est particulièrement sensible au réchauffement climatique« , analyse Philippe Keith, inquiet de voir les températures de l’eau monter dans certains sites de reproduction.

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