Un projet de décret en consultation sur le site du ministère de l’écologie confie aux fédérations de chasse le monopole de la collecte des données sur les populations d’espèces chassables.
La « gestion adaptative » consiste à redéfinir cycliquement la gestion d’une espèce, ou de ses prélèvements, selon l’état de cette population et des connaissances de son fonctionnement. Dans le cas d’espèces exploitées, le processus de gestion adaptative cherche à améliorer la connaissance de l’espèce et à évaluer l’impact du prélèvement, pour ajuster au mieux la définition des quotas maximum de chasse.
Pour les espèces soumises à la gestion adaptative, la loi prévoit que le ministre en charge de la chasse puisse déterminer un nombre maximal de spécimens à prélever annuellement, ainsi que le nombre maximal de spécimens à prélever par chasseur, sur proposition de la fédération nationale des chasseurs, dans le cadre d’un prélèvement maximal autorisé (PMA). Pour les espèces jugées dignes d’intérêt par les chasseurs, ce sont donc ces derniers qui sont habilités à proposer le nombre d’individus qu’ils seraient autorisés à « prélever ». Et ce sont aussi les chasseurs, via une application développée par leur fédération (Chass’adapt), qui fourniront les renseignements sur l’état de la population de l’espèce concernée. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Avec ce décret, qui permet l’application de dispositions contenues dans la loi de création de l’Office français de la biodiversité (OFB), la notion de « gestion adaptative », fortement promue par la Fédération nationale des chasseurs, est strictement limitée aux espèces chassables et sous le contrôle des seuls chasseurs. Pourtant, « la gestion adaptative n’a évidemment pas pour objet d’essayer de savoir combien on peut prélever d’individus d’espèces en mauvais état de conservation, sans que l’on puisse attribuer à la chasse une responsabilité dans la dégradation de cet état », selon la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui déplore un « dévoiement regrettable »du concept.
De son côté, le professeur du Museum national d’histoire naturelle (MNHN) Frédéric Jiguet regrette dans un entretien au Monde que sur les quinze « experts » qui composent le Comité d’experts sur la gestion adaptative, « on dénombre sept chercheurs académiques, mais huit personnes présentant des conflits d’intérêts majeurs, notamment financiers, avec les pro ou les antichasse. On nous demande de prouver l’impact négatif de la chasse avant que des décisions soient prises. Or, ces études sont chères donc rares. Et les avis de ce comité ne sont pas toujours suivis par les politiques : pour le courlis cendré, par exemple, que la France est le dernier pays d’Europe à chasser, le comité a recommandé l’arrêt de sa chasse étant donné la situation catastrophique de l’espèce. Mais un quota de 6 000 « prélèvements » a tout de même été décidé par le ministre de l’écologie de l’époque, François de Rugy ».
Le scientifique rappelle en outre que « la France est l’un des seuls pays d’Europe à autoriser la chasse d’espèces menacées en arguant du fait que les prélèvements ne sont pas responsables du déclin de ces espèces. Pour les animaux abondants, les chasseurs expliquent que leur prélèvement limite les effectifs, quand, pour les espèces en déclin, et tout de même chassées, ils expliquent que la chasse ne diminue pas les effectifs, et ne contribue pas à cette disparition…
En France, nous avons la plus longue liste d’espèces chassées, incluant le plus grand nombre d’espèces menacées. Pour les seuls oiseaux, quand certains pays européens en chassent quatre ou cinq espèces, nous en chassons 64, dont une vingtaine d’espèces en danger d’extinction (courlis cendré, tourterelle des bois, barge à queue noire, fuligule milouin, grand tétras…) ».
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