La Fabrique écologique publie une note proposant d’aller plus loin que le nouveau Plan Loup de l’Etat, en assurant une transparence et un partage de l’information, en investissant dans la recherche et la connaissance et en définissant une nouvelle doctrine de réponse aux attaques sur les troupeaux.
Le nouveau Plan Loup proposé par le gouvernement pour la période 2018-2023 fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 29 janvier. Alors qu’il devrait entrer en vigueur au début du mois de février, après avis du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), une note, intitulée « Le loup en France – Pour une gestion soutenable de sa présence », et rédigée par un groupe de travail sous l’égide de la Fabrique Ecologique, a été présentée à la presse le mercredi 10 janvier. Elle entend « définir le cadre d’une stratégie durable de gestion du loup », en élaborant des constats et des propositions. La note, accessible en ligne sur le site de la Fabrique écologique, entame sa réflexion par un certain nombre de constats : « dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, la pérennité de l’espèce sur notre territoire est un impératif » ; l’Etat ne doit pas être seul acteur d’un plan de gestion et, donc, une concertation entre « les représentants parmi les plus raisonnables des différentes parties concernées » doit avoir lieu. Elle rappelle aussi quelques données essentielles : depuis les 2 loups signalés en 1992, lors de la réapparition de l’espèce sur le territoire, jusqu’aux 360 individus dénombrés en 2017, une progression géographique et démographique continue est observée : en 2017, la population a crû de 23%. Parallèlement, les attaques sur les troupeaux n’ont cessé d’augmenter, culminant à 10234 animaux d’élevage tués en 2016. « Si le loup bénéficie aujourd’hui du regard bienveillant d’une large part de la société française, si sa présence est vigoureusement plébiscitée par les ONG de protection de la nature, les éleveurs pâturant sont, eux, directement confrontés à sa présence : ils subissent les attaques du loup […] qui constitue une contrainte technique et économique à part entière. » Pour répondre à cette contrainte, l’Etat a mis en place un système de plafond maximal de prélèvements de loups (invariablement transformé en quota), celui de juillet 2017 à juin 2018 étant porté à 40 canidés.
La note fait ensuite le constat de quatre « déficits ». Elle fustige ainsi le manque de transparence du dossier loup, notant une gestion « par le secret » qui a formé le « terreau propice à la diffusion de rumeurs et de fausses nouvelles ». Ainsi de la polémique sur l’hybridation entre chiens et loups, pleine de contre-vérités. Sont également constatées l’ « absence de politique de long-terme » de la gestion du loup et l’incapacité de l’Etat à élaborer « une stratégie clairement exposée et assumée », toutes deux héritées d’une époque où la protection du loup fut déclarée alors même que celui-ci ne se trouvait plus sur le sol français. « Le déficit de connaissance » sur la problématique empêche sa résolution : les différentes institutions fonctionnent de façon cloisonnées, l’Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) étudiant par exemple la biologie du loup mais pas les systèmes d’élevage, et inversement pour l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA). Enfin la note déplore « le déficit d’efficacité » de la gestion actuelle, qui ne rassure ni les éleveurs, dont les troupeaux continuent de se faire attaquer, ni les défenseurs de l’environnement, qui craignent que le rythme de prélèvements actuel ne porte le loup au seuil critique de mortalité de 34%, au-delà duquel sa survie serait compromise, comme l’a expliqué une étude coordonnée par le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) en mars 2017.
Forte de ces constats, la note affirme que « l’Etat doit fixer un objectif quantitatif et qualitatif de présence du loup », et pour ce faire, propose trois orientations de gestion :
- « Assurer la transparence et le partage de l’information via un ‘‘Décodex’’ du loup et ainsi en finir avec les fausses informations (fake news) qui circulent dans ce dossier. » Dans cette logique, la création d’un « média particulier (site internet, newsletter, etc.) » au pilotage éditorial paritaire s’imposerait.
- « Investir dans la recherche et la connaissance notamment sur les interactions loups/troupeaux, sur l’éthologie des populations présentes en France, et développer la recherche appliquée sur les moyens de défense non létaux susceptibles d’assurer une efficace dissuasion auprès des troupeaux et une ‘‘éducation’’ du loup. »
- « Définir une nouvelle doctrine de réponse aux attaques pour concilier le ‘‘bon état de conservation’’ de l’espèce » à travers une croissance, même lente, du nombre de loups « et une baisse sensible des attaques », grâce à l’autorisation des tirs de défense simple, sans condition préalable. « Dans ce cadre, les tirs de prélèvement seront abandonnés sauf nécessité absolue » ; la notion de quota sera proscrite, tandis qu’un « plafond de prélèvements (tirs et braconnage constaté), fixé à 20 % de la population (hors naissances de l’année) tant que la population est en croissance, ne pourra en aucun cas être dépassé. »
Et la note de conclure dans sa synthèse : « Ces trois propositions ne prétendent pas résoudre l’ensemble des problématiques mais elles ont le mérite de tracer un schéma de cohérence. Il s’agit de jeter les bases d’un accord dans la durée de tous ceux qui sont concernés, et qui aiment tous la nature même si c’est à différents titres. »