Kant au fond de l’assiette

1836
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À Lyon, les écoliers sont temporairement dispensés de viande, et voilà que tout le gouvernement a bouffé… du lion. « Idéologie scandaleuse », rugit le ministre de l’Intérieur. Empoignant l’étendard de la filière bovine, son collègue de l’Agriculture meugle de son côté : « Qui (…) peut comprendre qu’aujourd’hui dans les cantines de la République on arrête de servir de la viande tous les jours de la semaine ? ». A l’inverse, la ministre de la Transition écologique, lassée de son régime à base exclusive de couleuvres, fustige « des clichés éculés, du type « l’alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée » ». Etrangement, la municipalité lyonnaise avait adopté la même mesure, dictée par des impératifs sanitaires liés au Covid, l’an passé à la sortie du premier confinement. Sans que les arêtes du poisson servi dans les cantines aillent illico squatter les gosiers ministériels. Mais voilà : le maire d’alors, Gérard Collomb, était un macroniste historique, ancien pilier du gouvernement, donc insoupçonnable d’ « idéologie ». Pas comme ces mal-coiffés qui ont, depuis, conquis la métropole lyonnaise (et quelques autres). Le ministre de la Santé explique en toute candeur : « je ne suis pas choqué qu’on puisse proposer des menus sans viande ni poisson à l’école. La question, c’est quelle est la motivation sous-jacente ». Ainsi, la valeur d’une décision publique serait-elle indexée sur l’intention prêtée à l’autorité décisionnaire. Dans ce pur sommet de rhétorique kantienne (seule la volonté bonne fonde l’acte juste), Olivier Véran est rejoint par Gérard Collomb lui-même : « Lorsque j’ai mis en place cette mesure personne ne pouvait me soupçonner de supprimer la viande dans les menus, parce que tout le monde sait que ce n’est pas mon orientation ». Supprimer la viande sans intention de la supprimer est une décision juste. Tout le reste n’est que scandaleuse idéologie. On sait pourtant que la « transition écologique » est indissociable d’une transition alimentaire dans nos pays aux régimes (alimentaires) trop carnés. Que la préservation de la biodiversité, la lutte contre la déforestation importée, la restauration de la fonctionnalité des sols et quelques autres bricoles (dont la santé publique) impliquent un rééquilibrage de nos sources de protéines. Les scientifiques de toutes disciplines qui l’affirment à l’unisson seraient-ils tous de scandaleux idéologues ? La ministre de la Recherche, que l’on n’a pas entendue sur ce sujet, devrait d’urgence diligenter une « enquête ».

PS – Précision : Nous avons écrit ici, la semaine dernière, que le président du Conseil départemental des Hautes-Alpes Jean-Marie Bernard a été condamné à deux mois de prison avec sursis et 3 500 € d’amende pour avoir offert une queue de loup à l’ancienne préfète du département. Il ne s’agit en fait, à ce stade, que des réquisitions du procureur. Le jugement est en délibéré jusqu’au 12 mars. On sait que les bons journalistes ont les informations avant tout le monde. Nous verrons le 12 mars si c’est vrai…