Les poissons d’eau douce, les oubliés de la conservation 

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Dans un rapport publié par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), une quinzaine d’organisations mondiales de conservation décrivent l’incroyable variété des espèces de poissons d’eau douce, essentielles à l’homme mais fortement menacées.

La pêche en eau douce constitue la principale source de protéine de plus de 200 millions de personnes en Asie, Afrique et Amérique du sud. Elle représente également les moyens de subsistance et l’emploi de plus de 60 millions de personnes dans le monde. Un récent rapport publié par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) et produit par une quinzaine d’organisations mondiales de conservation comme Alliance for Freshwater Life et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), décrit l’extraordinaire variété des espèces de poissons d’eau douce. Selon les dernières découvertes, 18 075 espèces existent, représentant plus de la moitié de toutes les espèces de poissons du monde et un quart de tous les vertébrés. Ces populations sont essentielles à la santé des rivières, des lacs et des zones humides et soutiennent les sociétés et les économies du monde entier. Les stocks de poissons d’eau douce alimentent aussi deux industries mondiales : la pêche récréative qui représente plus de 100 milliards de dollars américains par an et le marché des animaux de compagnie. Le poisson est en effet l’animal de compagnie le plus populaire au monde : 142 millions de poissons sont adoptés par des Américains contre 88,3 millions de chats et 74,8 millions de chiens.

Pourtant, comme le souligne le rapport intitulé World’s forgotten fishes (Les poissons oubliés du monde), les poissons d’eau douce continuent d’être sous-évalués et négligés. Des milliers d’espèces sont aujourd’hui en voie d’extinction. « La biodiversité d’eau douce diminue deux fois plus vite que celle de nos océans ou de nos forêts. En effet, 80 espèces de poissons d’eau douce ont déjà été déclarées « éteintes » par la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN, dont 16 pour la seule année 2020. Pendant ce temps, les populations de poissons d’eau douce migrateurs ont chuté de 76 % depuis 1970 et les mégapoissons de 94 %, un taux catastrophique », indique le WWF. Le rapport décrit alors les menaces dévastatrices qui pèsent sur les écosystèmes d’eau douce et par conséquent, sur les poissons qui y vivent. La destruction des habitats, les barrages hydroélectriques sur les rivières à débit libre, le surcroît de prélèvement d’eau pour l’irrigation et la pollution domestique, agricole et industrielle sont les principales activités ayant un impact sur les poissons et leur écosystème. Il y a aussi la surpêche et les pratiques de pêche destructrices, l’introduction d’espèces non-indigènes envahissantes et les effets du changement climatique, ainsi que l’extraction de sable non durable et la criminalité liée aux espèces sauvages. Le document donne pour exemple la pêche a l’Alose Hilsa du Gange. Sa population est passée d’un rendement de 19 tonnes à seulement 1 tonne par an après la construction du barrage de Farakka en amont de la rivière dans les années 1970. Le document prend également en exemple les esturgeons qui sont l’une des familles d’animaux les plus menacées au monde en raison du braconnage pour le caviar illégal et l’anguille européenne, une espèce en danger critique d’extinction, objet du plus grand nombre de trafics.

Le rapport donne tout de même une petite lueur d’espoir pour le futur. La tendance pourrait s’inverser si le monde saisit l’occasion lors de la prochaine conférence de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique en Chine d’obtenir un accord mondial ambitieux et applicable à la biodiversité. « Cet accord doit, pour la première fois, accorder autant d’attention à la protection et à la restauration de nos systèmes de maintien de la vie en eau douce qu’à celle des forêts et des océans de la planète », explique le WWF.

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