Un réseau de guérisseurs traditionnels met son savoir au service de la préservation de la biodiversité du Cerrado

Photo d'illustration ©InaeMiranda de Pixabay

1659
⏱ Lecture 3 mn.

Le réseau « Pacari », un groupe de guérisseurs traditionnels du Brésil, est devenu une source précieuse pour documenter et étudier la biodiversité du Cerrado. Leur savoir est mis au service de l’homme et de la conservation de la savane brésilienne.

Si la Savane brésilienne contient près d’un tiers de la biodiversité du pays, moins de 10 % de l’écosystème est officiellement protégé et sa végétation indigène est menacée par le développement de l’agriculture de masse. Selon le site d’informations Mongabay, les experts estiment que trouver un moyen de valoriser davantage la savane, notamment en reconnaissant son immense valeur botanique et pharmacologique, pourrait contribuer à sa conservation. Les connaissances traditionnelles des communautés locales et leur utilisation durable des paysages sont cruciales pour préserver sa riche biodiversité. Dans cette zone de 204 millions d’hectares au centre du Brésil, des milliers d’espèces endémiques se sont adaptées aux sols pauvres en nutriments, à l’environnement difficile et aux incendies saisonniers qui ont créé des dizaines d’habitats différents. Plus de 12 400 espèces végétales y ont été recensées, dont un tiers est endémique. Il contient par ailleurs 30 % de toute la biodiversité brésilienne.

Alors que l’agriculture de masse détruit de plus en plus la végétation indigène au profit de monocultures de soja et de canne à sucre ou de l’élevage du bétail, la biodiversité et le stockage du carbone ainsi que les systèmes de connaissances traditionnelles, notamment en médecine, sont fortement menacés. En effet, la perte d’habitat réduit la disponibilité des plantes médicinales, essentielles pour de nombreux habitants des zones rurales. Mongabay rappelle dans un article qu’en 2019, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié une étude sur l’état de la nature dans le monde, montrant qu’un million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction par les activités humaines et déclinent à un rythme jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Le document montrait également que les terres gérées par les communautés autochtones et locales sont en moyenne beaucoup moins dégradées et que davantage de soutien et de ressources devraient être consacrés à faciliter leurs contributions positives à la gestion durable des milieux. « C’est également vrai pour le Cerrado, où les chercheurs ont fait valoir que le maintien des connaissances culturelles et indigènes est crucial pour la préservation de la biodiversité de la savane », indique Mongabay dans son article.

Le réseau « Pacari », un groupe de guérisseurs traditionnels est alors devenu une source précieuse pour documenter et étudier la biodiversité. Les membres cultivent et récoltent des plantes médicinales et fournissent des soins de santé essentiels à des milliers de personnes. En s’organisant autour de la conservation des plantes médicinales et en suivant des normes pour garantir la transmission efficace de leurs connaissances, les guérisseurs sont en première ligne pour générer et préserver ce type de connaissances traditionnelles. Le réseau utilise notamment l’Anacardium humile, un petit arbuste qui produit une noix acide ressemblant à la noix de cajou. Les guérisseurs traditionnels préparent un thé à partir de ses racines, utilisé comme purgatif. Un autre thé est réalisé à partir de ses feuilles, utilisé cette fois-ci comme antidiarrhéique. Ils pressent également le fruit en un jus pour traiter les maladies vénériennes et utilisent l’huile contre les affections cutanées comme les verrues.

Le réseau Pacari, créé en 1999, est le résultat de discussions entre deux réseaux de la société civile qui se sont réunis pour aborder le double problème de la conservation de la biodiversité et de la préservation des pratiques des guérisseurs traditionnels. Il a publié en 2009 la Pharmacopée des peuples du Cerrado : un livre qui fournit des descriptions écrites et visuelles des techniques de récolte et de traitement de 90 médicaments. Le livre décrit non seulement les plantes, mais aussi leurs usages médicinaux, leur importance socioculturelle et leur relation avec le Cerrado. Il a permis au réseau d’obtenir une reconnaissance mondiale et le prestigieux prix Équateur des Nations Unies en 2012. Le réseau a publié un second livre en 2014 qui a été traduit jusqu’en Inde et au Japon. Il a également créé un instrument politique qui pourrait être utilisé dans l’élaboration des politiques publiques pour obtenir une législation garantissant les droits coutumiers de personnes comme les guérisseurs.

Selon Mongabay, les biologistes, écologistes et ethnobotanistes affirment qu’une sensibilisation accrue aux bienfaits médicinaux potentiels des espèces présentes dans le Cerrado pourrait être un moyen important d’obtenir un soutien populaire fédéral pour mettre un terme à l’expansion agricole et conserver les dernières étendues de végétation indigène.