Vous prendrez bien des boulettes de crevette… au porc ? A moins que vous ne préfériez un bon filet de cabillaud sauvage… remplacé à votre insu par du poisson-chat engraissé dans un élevage vietnamien. Rassurez-vous, au pire, il reste votre pavé de mérou préféré. On lui aura juste substitué un quelconque poisson de moindre valeur, d’une espèce peut-être menacée d’extinction et d’un écosystème sans doute ravagé par la surpêche. Y aurait-il anguille sous roche dans les poissonneries ? Une analyse hallucinante du Guardian sur la fraude aux produits de la mer établit que près de 40 % des poissons et fruits de mer que nous achetons sont mal étiquetés. Une supercherie à degrés divers : les veinards peuvent « simplement » se voir proposer une espèce différente et plus commune, appartenant toutefois à la même famille d’animaux – et se faire escroquer de quelques euros au passage. Les plus malchanceux, en guise de coquillages et crustacés, devront peut-être se contenter d’une charcuterie de la mer…
Qui blâmer : les pêcheurs négligents ou intentionnellement frauduleux? Les grandes surfaces qui appliquent mal la traçabilité de leurs produits? L’incurie des labels type MSC (pour « Marine Stewardship Council », bientôt transformé en « My Sardine is a Crab »)? Une législation pas assez efficace? A l’heure où l’Assemblée nationale phosphore sur l’étiquetage environnemental à coups de petites lettres, de couleurs et de chiffres, on aurait envie de conseiller à nos députés de revoir les fondamentaux : comment être sûr qu’un merlu estampillé « merlu » soit bien du merlu. Dans cette affaire, le consommateur qui refuse d’être berné doit se montrer sagace, car tous les ingrédients sont réunis pour le perdre dans la bouillabaisse : espèces parfois indissociables, produits présentés sur les étals en filets sans tête ni écailles , vendeurs utilisant des noms génériques pouvant regrouper des dizaines d’espèces afin de noyer le poisson… Et, peut-être, une certain je-m’en-foutisme global qui caractérise souvent tout ce qui a trait au monde marin, cette ultime frontière si loin de nos yeux et de nos cœurs. Conclusion : achetez directement à la criée votre poisson entier, et si vous êtes témoins de pratiques frauduleuses, ne restez pas muet comme une carpe !