Face au « sapin-bashing », les producteurs du Morvan contre-attaquent

Photo d'illustration ©TanteTati de Pixabay

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Réduction des traitements chimiques, demande d’indication géographique protégée, mise en valeur du terroir : le Morvan, première région productrice de sapins de Noël, tente de redorer son image après des propos d’élus accusant le roi des forêts d’être bien peu vert.

« Non, nous ne sommes pas des destructeurs de nature » : la colère de Frédéric Naudet, producteur de sapins dans le Morvan, n’est pas retombée depuis le 10 septembre et la déclaration du maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic. « Nous ne mettrons pas des arbres morts sur les places de la ville« , avait promis l’élu, en lançant la polémique sur les six millions de sapins de Noël naturels vendus chaque année en France. À la suite du maire aquitain, l’adjoint écologiste à la mairie de Paris, David Belliard, avait appelé à ne plus « couper des arbres pour ensuite les jeter« , faisant un lien entre le sapin de Noël et « la déforestation en France« . De quoi faire fulminer M. Naudet. « C’est n’importe quoi : le sapin n’est pas associé au défrichement. On ne coupe pas les forêts. Le sapin est une culture. Il pousse sur des terres agricoles et ne prend pas la place de forêts« , martèle le cultivateur, par ailleurs président de l’Association française du sapin de Noël naturel, qui représente 150 producteurs environ à travers la France. « On observe depuis quelques années cette espèce de « sapin-bashing » (campagne de dénigrement, ndlr)« , constate M. Naudet, à la tête de 500 hectares dans la basse montagne du Morvan, première région productrice de France avec un million et demi de sapins de Noël par an.

Face à des attaques qu’ils estiment injustifiées, les exploitants morvandeaux ont décidé de réagir. Une demande de labellisation du sapin du Morvan en Indication géographique protégée (IGP) a ainsi été déposée en novembre et devrait aboutir « d’ici à 2022« . Elle vise avant tout à « clairement identifier le sapin du Morvan » pour éviter les produits de moindre qualité et souligner « son terroir« , explique M. Naudet. La région, proche de Paris et au sol granitique propice aux conifères, est réputée depuis l’entre-deux-guerres comme « la » terre du sapin de Noël, à tel point que c’est un arbre du Morvan qui décore la cour de l’Élysée.

Mais il s’agit également d’établir un cahier des charges contraignant qui interdira tout fongicide et insecticide chimique. L’emploi de produits phytosanitaires a déjà « baissé de 30 à 40% en 4-5 ans« , assure M. Naudet, mais la labellisation permettra d’aller plus loin. « Le sapin de Noël sera éthique. Les producteurs produiront vertueusement« , se réjouit Christophe Mauny. L’exploitant, à la tête de 40 ha dans le Morvan, a supprimé « tous les fongicides, insecticides et acaricides il y a 25 ans« . Mais il veut désormais diminuer également l’usage des désherbants : les deux à trois premières années de sa vie (qui en compte entre cinq et dix), un jeune sapin meurt s’il est concurrencé par l’herbe environnante.

Le désherbant chimique est donc monnaie courante à ce stade mais des essais effectués depuis deux ans avec une herse à désherber se sont avérés « hyper concluants« , raconte M. Mauny. « On va diviser par deux l’utilisation de désherbant voire même carrément s’en passer« , explique-t-il à l’AFP. « Je vais utiliser ce système dès le printemps prochain, comme plusieurs autres exploitants« , ajoute le producteur, qui fait partie du « groupe 30.000« , un collectif visant à rassembler 30.000 exploitations engagées dans l’agro-écologie. Aller vers moins de phytosanitaire, c’est « aller dans le sens de l’histoire« , acquiesce Marie-Christine Grosche. Les 30.000 à 40.000 sapins que la Morvandelle produit ne voient ainsi « plus aucun phyto après les trois premières années » de leur vie, assure-t-elle, se réjouissant que le « sapin-bashing » n’ait eu « aucun » impact sur les ventes. « C’est plutôt l’inverse« , renchérit Christophe Mauny. « Effet Covid et envie de se retrouver en famille : on va vers une année historique« , se réjouit-il. L’exploitant croit en un effet boomerang du « sapin-bashing » qui, en définitive, aurait provoqué un renouveau de la tradition. « En fait, le maire de Bordeaux nous a bien aidés ».