La question du bien être animal est remise sur la table en vue du passage jeudi d’une proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Les responsables politiques se sont emparés de la question du bien-être animal, mais restent prudents face aux agriculteurs ou à l’électorat des chasseurs. Avant le passage jeudi d’une proposition de loi à l’Assemblée, tour d’horizon de gauche à droite. Les Verts ont porté cette question dès les années 80 en prônant « la fin de l’anthropocentrisme où tout se fait par rapport à l’homme« , souligne Manuel Leick-Jonard, en charge de la condition animale chez EELV. Les nouveaux maires écologistes ont tous attribué des délégations à la condition animale. Le parti partage beaucoup des positions de l’association L214, mais il n’est pas en soi pour la fin de l’élevage ou l’abattage. Le critère principal est la lutte contre la souffrance des animaux. Dans le même esprit, il s’oppose aux chasses traditionnelles mais « n’a pas de position sur l’avenir de la chasse en général« .
Chez les Insoumis, on fait du bien-être animal « l’un des éléments de la transition écologique« . LFI propose de constitutionnaliser le droit des animaux, et plus concrètement d’en « finir avec les chasses traditionnelles, les spectacles avec animaux non-domestiques, l’élevage intensif, les fermes usines et les cages« , résume le député Bastien Lachaud. Il propose aussi une « retraite pour les poules pondeuses » en exemple d’amélioration des conditions. Il y a eu une évolution chez Jean-Luc Mélenchon, au départ peu au fait de ces questions, et ses troupes. Désormais « certains arrivent dans nos luttes par le bien-être animal« , observe Bastien Lachaud.
Au Parti socialiste, le sujet n’est pas majeur au parti, qui compte cependant quelques élus plus sensibilisés que d’autres, rapporte le porte-parole Pierre Jouvet. Le PS prône « l’amélioration des conditions d’exploitation, sanitaires et de transport des animaux« , et reconnaît que le travail de fond reste à mener.
Chez les communistes, le thème fait débat et on regrette que la proposition de loi de Cédric Villani (EDS), examinée jeudi, ne « tienne pas compte des efforts des éleveurs« .
Emmanuel Macron a longtemps été critiqué par les associations pour l’absence de mesures concrètes contre la maltraitance animale. L’exécutif tente d’accélérer ces derniers mois. En janvier dernier, l’interdiction de la castration à vif des porcelets ou du broyage des poussins ont été promis pour fin 2021. Fin août, la chasse à la glu a été suspendue pour cette saison. Et le gouvernement vient d’annoncer l’interdiction en quelques années des spectacles d’animaux sauvages dans les cirques itinérants, des numéros de dauphins ou d’orques dans les delphinariums ou de l’élevage de visons pour leur fourrure.
La majorité va ainsi soutenir une partie de la proposition de loi de l’ancien « marcheur » Cédric Villani. Mais pas les mesures les plus sensibles sur l’interdiction de certaines chasses (à courre, vénerie sous terre…) ou des poules pondeuses en cages. Le sujet fait débat en interne. Le député Loïc Dombreval, à la tête du groupe d’étude parlementaire sur la condition animale, en a fait le cœur de son mandat. D’autres défendent les chasseurs comme Alain Perea, ou appellent pour l’élevage à faire confiance aux « engagements des filières« , comme le député paysan Jean-Baptiste Moreau. »La seule fonction d’un animal, c’est d’être mangé. Mais dès lors qu’on dit ça, on passe pour un salaud…« , désespère un ministre. Aurore Bergé (LREM) revendique l' »équilibre » du groupe parlementaire pour éviter de nouvelles « fractures« , face à des « traditions françaises« .
La droite LR, fraîchement sensibilisée à l’urgence écologique, souligne que « la défense de la cause animale touche de plus en plus de Français, tout comme la montée en puissance des sujets santé-environnement, et appelle une réponse efficace« . Le parti LR travaille sur le bien-être animal « avec les fédérations professionnelles agricoles« , indique son président Christian Jacob, lui-même ancien exploitant agricole.
Historiquement proche de l’électorat paysan, la droite ferraille toutefois contre « l’agri-bashing » ou le « dogmatisme poussé par les mouvements vegan« . LR, dans un récent rapport, fustige « pression médiatique » et « action très violente, notamment des antispécistes de l’association L214, dont le but est de faire disparaître les élevages et les éleveurs« .Beaucoup de défenseurs de la cause animale gravitent autour du Rassemblement national, au premier rang desquels Brigitte Bardot. Dans son programme pour la présidentielle de 2017, Marine Le Pen voulait « faire de la protection animale une priorité nationale« , interdire « l’abattage sans étourdissement préalable » et « refuser le modèle des fermes-usines, du type ferme de plus de 1000 vaches « .
La carte du vote animaliste, qui avait réuni 2,2% des voix aux élections européennes, présente « certaines similitudes » avec celle du vote pour le RN, selon une étude de la fondation Jean Jaurès. Marine Le Pen est propriétaire de 6 chats et en parle volontiers. Mais pour elle, protection animale et chasse ne sont pas incompatibles. Elle demande un débat « sans excès« . À la dernière présidentielle, les chasseurs ont voté de manière hétérogène mais avec une prime pour l’extrême droite.