Filière chocolat : FNE et Mighty Earth adressent leurs meilleurs vœux à Système U (3 mn)

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Pour produire le chocolat la filière n’hésite pas à raser les forêts : le cacao est ainsi la première cause de déforestation en Afrique de l’Ouest. France Nature Environnement (FNE) et l’ONG Mighty Earth ont interpellé les grands réseaux de distribution, qui commencent à s’engager. Seul Système U fait la sourde oreille.

En rugby, on appelle ça « un caramel ». Dans les Tontons flingueurs, un bourre-pif. Le genre d’amabilités que l’on s’adresse à l’occasion d’un différend de nature à faire oublier aux protagonistes leur bonne éducation… Ce coup-ci, ce sont deux ONG qui ont adressé à un grand réseau de distribution, à l’occasion des fêtes de fin d’année, un très joli caramel. A propos de chocolat. L’affaire peut paraître minime, elle est d’importance : 60 % de la consommation de chocolat se fait en Europe et la demande augmente chaque année. Pour répondre à cette croissance, des forêts tropicales sont rasées afin d’y planter des cacaoyers, plantes tropicales dans lesquelles se trouvent les graines de cacao. Ces cultures sont la principale cause de déforestation en Afrique de l’Ouest, région qui concentre les trois quarts de la production mondiale de cacao.

Ainsi, en Côte d’Ivoire, alors que les forêts recouvraient une bonne part du pays en 1960, elles occupent aujourd’hui moins de 11 % du territoire. En moins d’un an, entre novembre 2017 et septembre 2018, environ 13 748 hectares de forêt ont ainsi été détruits, soit l’équivalent de 15 000 terrains de football. Même les parcs nationaux qui sont censés être protégés par la loi sont touchés. Éléphants, chimpanzés, hippopotames nains, écureuils volants, léopards et toute une myriade d’espèces animales et végétales qui vivent dans et grâce à cette luxuriante jungle sont aujourd’hui menacés par la disparition de leurs forêts.

Le désastre est environnemental mais aussi humain : les plantations de cacao, c’est aussi plus de 2 millions d’enfants qui travaillent dans des conditions misérables parfois proche de l’esclavage. Alors que les producteurs perçoivent seulement 6 % du prix d’une tablette de chocolat environ, les distributeurs, eux, touchent aujourd’hui plus d’un tiers du prix. Depuis le vote de la loi sur le devoir de vigilance, les groupes de plus de 10 000 employés sont tenus de publier un plan de vigilance qui présente les mesures prises pour identifier et prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Pour inciter les distributeurs à s’assurer d’un approvisionnement qui n’est pas source de déforestation et ne fait pas travailler des enfants, France Nature Environnement s’est associée à l’ONG Mighty Earth. Cette dernière a sollicité huit distributeurs français1 pour d’une part faire un état des lieux et de l’autre les inciter à améliorer leurs pratiques. Parmi les distributeurs interpellés, Système U est le seul qui a ni accepté de nous rencontrer, ni publié de plan de vigilance, ni émis de document de référence sur la déforestation, ni rejoint de groupe de distributeurs visant à traiter la question. En somme, Système U (enseignes Hyper U, Super U et U Express) n’a livré aucune information pour que l’on sache s’il s’engage dans des démarches les plus basiques de lutte contre la déforestation et le travail des enfants sur la filière chocolat. Le distributeur se montre également sourd à toute demande de simple rencontre.
Les deux ONG ont donc entrepris de faire pression sur la marque, en demandant à leurs adhérents d’adresser avant le 31 décembre un mail à son PDG Dominique Schelcher et à son directeur RSE (Responsabilité sociale des entreprises Laurent Francony : « Je souhaite aujourd’hui vous interpeller au sujet du chocolat vendu dans vos magasins. En tant que Président Directeur Général et Directeur RSE de la coopérative Système U, vous devez améliorer votre approvisionnement pour mettre fin aux dommages liés à la filière du cacao : déforestation, travail forcé d’enfants et autres atteintes graves aux droits humains comme l’esclavage et le trafic d’être humain. En conséquence, je soutiens les demandes de France Nature Environnement et vous appelle solennellement à :Exclure le cacao issu de la déforestation et du travail des enfants de votre chaîne approvisionnement ainsi que les fournisseurs qui se livrent à la déforestation pour le cacao, en Afrique de l’Ouest mais aussi partout dans le monde.
Assurer traçabilité et transparence dans vos pratiques en publiant les noms des négociants auprès desquels vous vous approvisionnez en cacao. Cette transparence doit s’appliquer tout au long de la chaîne jusqu’au producteur de cacao.
Vous fournir auprès de producteurs de cacao pratiquant l’agroforesterie sous ombrage : cette technique agricole se révèle bien plus vertueuse pour la biodiversité.
Vous avez un rôle indéniable à jouer pour améliorer les pratiques de la filière chocolat afin de protéger les dernières forêts tropicales de la planète, les espèces qui y vivent et s’assurer de conditions de travail respectueuses des droits humains et des droits de l’enfant. En tant que citoyen.ne, en tant que consommateur.rice, je veux être sûr.e que le chocolat que vous me vendez est bon pour la planète et les petits producteurs.
En vous remerciant par avance de traiter rapidement cette question ».