Le poisson dans votre assiette n’est peut-être pas celui que vous croyez

Photo d'illustration ©RoDobby de Pixabay

1667
⏱ Lecture 3 mn.

La fraude sur les produits de la mer existe à l’échelle mondiale. Le journal britannique The Guardian a réalisé une étude révélant que près de 40 % des poissons et crustacés provenant de restaurants, supermarchés et poissonneries de 30 pays étaient mal étiquetés.

En 2018, un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture indiquait que l’industrie de la pêche était le secteur le plus vulnérable à la fraude alimentaire. Les pratiques souvent observées sont la substitution d’espèces et l’étiquetage erroné. Cela signifie que les produits de la mer que vous dégustez ne correspondent peut-être pas aux espèces indiquées sur les étiquettes lors de l’achat! Une étude réalisée par le journal britannique The Guardian a analysé 44 études déjà réalisées sur le sujet. Il en conclut qu’environ 36 % des 9 000 produits provenant de restaurants, supermarchés et poissonneries de 30 pays étaient mal étiquetés. Selon les résultats, le Royaume-Uni et le Canada, avec 55% d’informations erronées, présentent les taux les plus élevés de mauvais étiquetage, suivis de 38 % aux États-Unis.

The Guardian note que les poissons étaient parfois étiquetés comme des espèces différentes au sein d’une même famille. En Allemagne, 48 % des échantillons testés censés être des coquilles Saint-Jacques étaient en fait des coquilles Saint-Jacques japonaises, moins convoitées. D’autres substituts étaient en réalité des espèces en voie de disparition ou vulnérables. Une des études analysées par une équipe du média anglais, publiée en 2018, relève que près de 70 % des échantillons vendus au Royaume-Uni et étiquetés « vivaneau » correspondaient en fait à des poissons différents, provenant de 38 espèces ; nombres d’entre-elles vivant dans des récifs probablement menacés par la dégradation humaine et la surpêche. L’étude souligne enfin que d’autres échantillons se sont révélés ne pas être entièrement constitués de poissons ou crustacés. À Singapour, 38,5% des boulettes de crevettes sont mal étiquetées et contiennent fréquemment du porc à la place de crevettes! The Guardian rapporte qu’un des substituts très courant est le poisson-chat requin, ou pangasius, peu connu et peu coûteux. Ce groupe de poissons est largement cultivé au Vietnam et au Cambodge et a un goût et une texture similaire à ceux d’autres poissons blancs, comme le cabillaud, la sole et l’églefin.

Le journal explique que cette fraude est un réel problème puisqu’elle peut représenter des risques pour la santé : « Un substitut fréquent de certaines variétés de thon est l’escolier, un poisson gras difficile à digérer. D’autres ont des parasites particuliers qui peuvent menacer la santé. D’autres encore sont moins nutritifs : lorsque le tilapia remplace le vivaneau rouge, les gens mangent un poisson moins riche en nutriments, notamment en acides gras polyinsaturés oméga-3 ». Rashid Sumaila, économiste des pêches à l’Institut des océans et des pêches de l’Université de Colombie-Britannique (Canada), explique au Guardian qu’il existe une incitation économique considérable à vendre des poissons de faible valeur à la place d’espèces plus populaires et plus chères, et encore plus d’argent à gagner en « blanchissant » le poisson pêché illégalement. Le « blanchiment de poisson » est souvent lié à la pêche illicite non-déclarée et non-réglementée, lors desquelles les captures sont traitées à bord de grands navires de transbordement, où le mauvais étiquetage et le mélange de poissons légaux et illégaux se font dans le secret. Dans une étude réalisée en 2020, Rashid Sumaila conclut que le blanchiment de poisson entraîne une perte économique de 26 à 50 milliards de dollars par an, « car le poisson illégal ou frauduleusement étiqueté affaiblit l’industrie légale et rend la concurrence difficile pour les acteurs honnêtes », ajoute The Guardian.

Lire l’étude du Guardian