Un nouveau rapport de Greenpeace International dénonce la menace que représente la pêche en haute mer dans l’océan indien pour la santé des océans, les espèces emblématiques de ces eaux et les moyens de subsistance des populations.
Appelé « murs de la mort », les filets maillants dérivants sont des filets droits munis de flotteurs sur la partie supérieure qui dérivent avec le courant. Ils emportent avec eux des espèces ciblées comme le calmar, mais aussi des espèces emblématiques de l’océan indien, en danger d’extinction comme le diable des mers (raies) ou certaines espèces de requins. Un récent rapport de Greenpeace International documente les prises accidentelles réalisées en toute impunité et dénonce l’implication importante des pays européens dans cette industrie qui menace la santé des océans et les moyens de subsistance des populations côtières. Les filets maillants dérivants ont été interdits par les Nations unies il y a 30 ans, pourtant, ils continuent d’être massivement utilisés. Greenpeace Royaume-Uni a été témoin de l’utilisation de ces filets avec sept bateaux créant deux murs de filets de plus de 33 km de long. L’ONG dénonce une pêche au calmar en pleine expansion qui attire plus de 100 navires opérant dans la zone de l’océan indien sans aucune réglementation internationale. Le document indique que les pêcheries sont très mal gérées en raison de la faiblesse des institutions et des décisions politiques, y compris lors de la récente Commission des thons de l’océan Indien, où l’influence de l’industrie européenne a empêché de convenir d’une quelconque mesure pour lutter contre la surpêche.
Cette surpêche entache la sécurité alimentaire des communautés côtières du monde entier, en particulier celle des pays du sud qui dépend des espèces marines pour subvenir à leurs besoins. Les populations autour de l’océan Indien représentent 30% de l’humanité et l’océan fournit à trois milliards de personnes leur principale source de protéines. Le rapport met également en avant comment les pratiques de pêche destructrices notamment les dispositifs de concentration de poissons déployés par les flottes européennes, modifient les habitats de l’océan Indien occidental à une échelle sans précédent. En mars 2021, l’Union Européenne était accusée par de nombreuses ONG «d’hypocrisie et de néocolonialisme» pour avoir proposé des mesures insuffisantes pour lutter contre la surpêche du thon jaune (albacore) alors qu’elle en est le plus grand pêcheur de l’océan Indien. En plus d’épuiser les ressources de l’océan Indien, l’UE rejette des débris plastiques en mer pour attirer les poissons dans ses filets et contribue par conséquent à la pollution des océans.
Les thons adorent se rassembler autour d’objets divers à la dérive en mer. Le sachant, les navires de pêche industrielle rejettent chaque année des milliers de dispositifs de concentration de poissons (DCP) en plastique pour rassembler les thons, selon un récent article publié par le journal d’informations Mongabay. La pêche au thon dans l’océan indien est dominée par les navires européens. Les pays de l’UE, et plus précisément la France et l’Espagne, ont développé une flotte de 43 navires qui pêchent à des milliers de kilomètres de chez eux, dans l’Océan Indien. En 2019, ils ont capturé 70 000 tonnes de thon jaune, soit plus que les États côtiers tels que l’Iran (58 000 tonnes), le Sri Lanka ou les Maldives (44 000 tonnes chacun). L’archipel des Seychelles est un lieu particulièrement prisé de la flottille européenne. Le pays se trouve au beau milieu de la route migratoire du thon dans l’océan Indien occidental. Le pays est composé de plus de 100 îles qui forment une ZEE (zone économique exclusive) de 1,37 millions de kilomètres carrés (529 000 miles carrés). C’est une zone marine qui fait plus de trois fois la taille de la Californie et qui fournit la plus grande quantité de thon de l’océan Indien.
La France et l’Espagne exploitent des flottes de senneurs dans les eaux seychelloises depuis le milieu des années 1980. La pêche à la senne est une technique qui consiste à placer un filet à la surface pour attraper les poissons. On compte actuellement 15 senneurs espagnols et 12 battant français dans l’océan indien. Mais ces pays contrôlent également des navires battant pavillon d’autres États. Sur les 13 senneurs qui naviguent avec le drapeau des Seychelles, 11 ont des propriétaires en Espagne et les deux autres en France. Les pêcheries de l’océan Indien représentent 8,5 milliards de dollars par an. Le thon jaune aussi appelé thon albacore (Thunnus albacares) est à quelques années de l’effondrement et les dispositifs de concentration de poissons (DCP) en seraient en partie responsables.
Cette technique facilite le quotidien des pêcheurs. Plus besoin de courir après les thons puisqu’ils viennent directement aux pêcheurs. Dans l’océan Indien, environ 80 % du thon est aujourd’hui pêché à l’aide de DCP. « Depuis des millénaires, d’immenses bancs de thons se déplacent entre leurs zones d’alimentation et de frai. Ce faisant, ils redistribuent les nutriments sur des océans entiers. Selon certains scientifiques, les DCP qui poussent comme des champignons dans leur habitat peuvent tout modifier, des schémas de migration au comportement de frai et fausser des instincts façonnés par des millions d’années d’évolution », note le média. Mongabay précise par ailleurs que les DCP n’attirent pas seulement les thons, mais aussi d’autres espèces de poissons. Il est estimé que les senneurs qui pêchent près des DCP effectuent cinq fois plus de prises accidentelles que lorsqu’ils pêchent le thon en liberté. Ces dispositifs attirent également des juvéniles qui n’ont pas atteint leur maturité sexuelle. Ainsi, un trop grand nombre de poissons ne se reproduiront jamais ce qui met les espèces en danger d’effondrement. Les DCP posent également le problème de la pollution plastique en mer et sur la plage. Les pêcheurs utilisent principalement des DCP laissés à la dérive. Les navires ont peu d’intérêt à les pourchasser s’ils disparaissent ou s’ils n’attirent pas les poissons. Lorsqu’ils s’égarent dans des zones marines protégées, les navires ne peuvent pas les suivre. Sur l’atoll d’Albatra aux Seychelles – site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui abrite les tortues géantes emblématiques – plus de 80 % des déchets plastiques échoués sont liés à la pêche d’après Jeremy Raguain, défenseur Seychellois de l’environnement.