Les forêts fantômes américaines, conséquences de l’élévation du niveau de la mer

Photo d'illustration ©KRiemmer de Pixabay

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Sur la côte Est Américaine, du Maine à la Floride, les forêts se meurent et deviennent ce que les scientifiques appellent des « forêts fantômes ». Dans un article publié sur le site d’informations The Conversation, Emily Urly, écologiste et chercheuse à l’Université de Duke (Caroline du Nord), explique que ce phénomène est lié à l’élévation du niveau de la mer.

Nichée derrière les Outer Banks – un chapelet d’îles qui sépare l’océan Atlantique de la Caroline du Nord aux États-Unis – l’Alligator River National Wildlife Refuge fait très régulièrement face à des inondations. Les racines des arbres étouffent sous une importante quantité d’eau salée tout droit venu de l’océan Atlantique. De grandes parcelles d’arbres meurent et les jeunes pousses ne sont pas assez fortes pour s’élancer vers le soleil. Les scientifiques parlent ainsi de « forêts fantômes ». L’écologiste et chercheuse spécialisée dans l’étude des réactions des zones humides face à l’élévation du niveau de la mer, Emily Urly, explique dans un article publié par le site d’informations The Conversation, que ce phénomène est lié au changement climatique.

Ces inondations, conséquences immédiates de l’élévation du niveau de la mer sont devenues emblématiques des changements environnementaux et menacent la faune, la flore, les différents écosystèmes côtiers et les exploitations agricoles et forestières locales. Cette eau de mer qui se répand dans toute la plaine côtière de l’océan Atlantique, du Maine à la Floride, rend les zones humides plus humides et également plus salées. Urly indique que la montée des eaux inonde la côte de la Caroline du Nord et l’eau salée s’infiltre dans les sols des zones humides. Les sels se déplacent dans les eaux souterraines pendant les phases où l’eau douce est épuisée, comme pendant les sécheresses. L’eau salée circule également par les canaux et les fossés, pénétrant à l’intérieur des terres avec l’aide du vent et des marées hautes. « Les arbres morts aux troncs pâles, dépourvus de feuilles et de membres, sont un signe révélateur des niveaux élevés de sel dans le sol », précise-t-elle. « À mesure que les arbres meurent, des arbustes et des herbes plus tolérants au sel s’installent pour prendre leur place ».

D’après l’écologiste ces changements ont été particulièrement spectaculaire en Caroline du Nord. La région côtière de l’État a subi une perte rapide et généralisée de forêt, avec des répercussions en cascade sur la faune et la flore notamment sur le loup rouge et le pic à tête rouge, deux espèces menacées. De plus, les forêts des zones humides séquestrent et stockent de grandes quantités de carbone. Une fois dégradé, il y a des risques que le carbone s’évapore dans l’atmosphère et contribue au changement climatique. Dans une étude publiée dans le journal Ecological Applications, Urly et ses collègues racontent avoir utilisé des données satellites pour quantifier les changements de la végétation côtière depuis 1984 et référencer les images haute définition de Google Earth pour repérer les forêts fantômes. L’analyse informatique a permis d’identifier des parcelles similaires d’arbres morts dans l’ensemble du paysage.

Les résultats montrent que plus de 10 % des zones humides boisées de l’Alligator River National Wildlife Refuge ont disparu au cours des 35 dernières années. Il s’agit pourtant d’une terre protégée par le gouvernement fédéral, sans aucune autre activité humaine susceptible de détruire la forêt. L’élévation rapide du niveau de la mer dépasse la capacité de ces forêts à s’adapter à des conditions plus humides et plus salées. « Les phénomènes météorologiques extrêmes, alimentés par le changement climatique, causent des dommages supplémentaires dus aux fortes tempêtes, aux ouragans plus fréquents et à la sécheresse », souligne la chercheuse. « Nous avons constaté que la plus grande perte annuelle de couverture forestière dans notre zone d’étude s’est produite en 2012, après une période de sécheresse extrême, de feux de forêt et d’ondes de tempête dues à l’ouragan Irène en août 2011. Ce triple coup du sort semble avoir été un point de basculement qui a provoqué des dépérissements massifs d’arbres dans toute la région. »

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