Trois questions à Stéphanie Lux, conseillère de Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète (2013-2016)
ANES : Dans ses déclarations publiques, Nicolas Hulot semble plus préoccupé par les questions climatiques que par la biodiversité. La nature risque-t-elle d’être, une nouvelle fois, le parent pauvre de l’écologie ?
Stéphanie Lux : Nicolas Hulot a un rapport charnel et spirituel avec la nature, quand certains n’ont avec elle qu’un rapport intellectuel. Il la connaît, il a parcouru le monde pour son émission Ushuaia, et toutes les équipes de tournage rapportent qu’il a une relation particulière avec les animaux, notamment. Le contact avec la nature est un besoin pour lui, il s’y ressource. Ses grands succès obtenus pendant sa mission comme envoyé spécial de François Hollande pour la planète ont été, notamment, le sommet des chefs d’Etat sur la protection des éléphants, en décembre 2013, et le Sommet des consciences pour le climat en 2015. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que pour lui les sujets ne sont pas cloisonnés : il n’y a pas la biodiversité d’un côté, le climat de l’autre… et l’humanité avec ses problèmes encore ailleurs ! C’est la raison pour laquelle l’intitulé de son ministère inclut le terme « solidaire ». Il ne veut surtout pas faire de l’écologie un sujet « à part » : pour lui la résolution des problèmes écologiques est indissociable des questions sociales et économiques.
ANES : Beaucoup de commentateurs –qui ont sans doute mauvais esprit- se demandent si le séjour de Nicolas Hulot au gouvernement durera plus de six mois, ou s’il claquera la porte avant…
Stéphanie Lux : Je pense qu’il est très conscient de la difficulté de la tâche qui l’attend. Il l’a d’ailleurs clairement exprimé à Ségolène Royal lors de la passation de pouvoirs au ministère, en expliquant qu’il avait toujours été « du côté de ceux qui demandent » aux ministres, et qu’il serait désormais en situation d’être du côté –infiniment plus exigeant- de ceux à qui sont adressées les demandes ! Mais il sait qu’il aura besoin de la durée pour accomplir la mission qu’il s’est fixé. Et personne ne peut imaginer qu’il aurait accepté ce ministère sur un coup de tête.
ANES : Mais il y a des écarts importants entre les positions qu’il a soutenues –sur Notre-Dame-des-Landes, sur l’accord de libre échange transatlantique… – et les orientations définies par Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Comment pourra-t-il gérer cela ?
Stéphanie Lux : Sur Notre-Dame-des-Landes, je lui fais confiance pour faire en sorte que le projet ne se réalise pas, en tout cas pas tel qu’il est aujourd’hui prévu. Sur le CETA, sa voix peut être utile. Aujourd’hui, les traités de libre-échange ont fortement remis en cause, pour deux raisons : d’abord le protectionnisme revendiqué par certains, et ensuite la méfiance très forte exprimée par les opinions publiques en Europe notamment, à propos de l’abaissement des normes sociales ou environnementales que ces traités pourraient entrainer. C’est peut-être le moment de les remettre sur la table pour qu’ils soient au contraire porteurs de plus de justice sociale, de plus de justice environnementale ! Un rapport en ce sens a été réalisé à l’initiative de Ségolène Royal, en vue de la réunion de l’OMC en décembre prochain à Buenos-Aires. J’espère que Nicolas Hulot y puisera des arguments pour faire profondément évoluer le contenu de l’accord transatlantique ! Mais il ne faut pas sous-estimer l’ampleur de la tâche : les lobbys sont actifs et ne vont pas baisser les bras. Ségolène Royal avait pour elle un savoir-faire politique éprouvé, l’atout de Nicolas Hulot sera le soutien de l’opinion, qui lui est acquis !
Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko