Trois questions à Guilhem Lesaffre, Vice-président du CORIF (Comité ornithologique régional d’Île-de-France), administrateur de la LPO.
ANES : Le CORIF organise chaque année des comptages de populations de moineaux à Paris. Que disent ces recensements de l’état de la population de « piafs » ?
Guilhem Lesaffre : Les données que recueillent les bénévoles du CORIF sont transmises au Muséum d’histoire naturelle pour être traitées. Et nous attendons –avec impatience, vous vous en doutez !- que le MNHN, nous communique ses résultats. Mais sans attendre ces statistiques, on constate un tassement constant des effectifs de moineaux dans la capitale. Juste un exemple, un constat que nous avons partagé tout récemment avec Frédéric Malher, le président du CORIF : il y a seulement une dizaine d’années, on pouvait faire aux Buttes-Chaumont une photo d’un gamin avec une vingtaine de moineaux à ses pieds s’il leur distribuait des miettes. Aujourd’hui, il n’y a plus que deux couples nicheurs dans le Parc !
ANES : Connaît-on la cause de cette mauvaise santé de la population de moineaux ?
Guilhem Lesaffre : Il y a beaucoup d’hypothèses. On peut penser à un déclin d’origine génétique. On peut aussi penser que, comme on l’avait constaté il y a quelques années pour les pigeons migrateurs, il y a un seuil de population en-dessous duquel la démographie s’effondre. Mais si ce seuil existe vraiment, ce qu’il faudrait vérifier, on ne sait pas aujourd’hui où il se situe. Enfin, il y a évidemment des causes liées à la dégradation des habitats. Une friche urbaine, par exemple, est un territoire très favorable à la nidification des moineaux. Mais on fait la chasse aux friches urbaines…
ANES : La Ville de Paris va offrir des nichoirs à moineaux aux propriétaires de jardins. C’est une mesure réellement utile, ou simplement pédagogique ?
Guilhem Lesaffre : Les deux ! La pédagogie, la prie en compte de cette réalité par les Parisiens, c’est extrêmement important ! Mais au-delà de la sensibilisation, il est important de fournir ces abris pour la nidification. Cette effort de la Ville de Paris rejoint les efforts qu’elle déploie dans les jardins qu’elle gère pour favoriser la biodiversité. Laisser une partie du jardin en friche favorise la présence de végétaux divers, d’insectes, et au bout de la chaîne d’oiseaux en en particulier de moineaux. Les citoyens peuvent contribuer à cet effort, par exemple en végétalisant les espaces qu’ils maîtrisent : fenêtres, toitures, jardins privatifs… L’important, c’est de fournir des arbustes touffus, ou des rideaux de lierre, pour que les oiseaux trouvent un refuge pour les nuits d’hiver. Cette initiative de la Ville de Paris, qui va fournir gratuitement ces nichoirs aux bailleurs sociaux (pas aux particuliers) va incontestablement dans le bon sens. De même , il y a deux ans, la Ville a entrepris la restauration de la quarantaine de kiosques à musique installés dans les jardins. Or certains de ces kiosques abritent des moineaux nicheurs. Le CORIF a alerté la Ville, et les travaux ont été différés après la saison de reproduction.
Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko