🔻La diversité des insectes liées à celles des plantes hôtes

Photo d'illustration ©fabalis de Pixabay

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Une étude publiée dans Nature Communication suggère que la grande diversité d’insectes tels que les papillons pourrait être liée aux changements récurrents de plantes hôtes qui constituent leur ressource alimentaire. Ces changements ont laissé des traces d’adaptations génétiques dans leurs génomes et sont aussi associés à des accélérations de diversification.

Une grande partie de la diversité des espèces est composées d’insectes et de plantes, deux groupes reliés par un grand nombre d’interactions. Depuis des dizaines d’années, les théories mettant en corrélation une telle diversité avec ces interactions s’accumulent. L’une des plus populaires, proposée dans les années 60, vise à expliquer la grande diversité des insectes et des plantes par l’existence d’une course aux armements perpétuels entre ces deux groupes avec d’un côté les plantes évitant la prédation des insectes, et de l’autre les insectes contournant les défenses des plantes pour avoir accès à cette ressource.

Afin de comprendre l’origine de la diversification de la méga-diversité des insectes herbivores, des chercheurs dont certains sont issus de l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier se sont intéressé aux Papilionidés, une famille de papillons qui comprend environ 570 espèces. Ils ont observé que les Papilionidés se nourrissent probablement de plantes appartenant à la famille des Aristolochiaceae et plus particulièrement au genre Aristolochia. À partir de la répartition mondiale de ces deux groupes d’insectes et de plantes, il a ensuite été possible d’estimer la biogéographie historique (le déplacement dans le temps et dans l’espace) des espèces de Papilionidés et d’Aristolochiaceae. Les chercheurs ont découvert que ces deux groupes étaient tous deux apparus il y a environ 55 millions d’années dans une région nordique appelée la Béringie (aujourd’hui détroit de Béring). Les papillons et les plantes sont originaires de l’hémisphère nord, mais ont ensuite migré et sont maintenant présent partout dans le monde.

Pour les papilionidés, cette migration s’est accompagnée de changements majeurs de plantes hôtes. Aujourd’hui, une douzaine de familles de plantes est consommée par ce groupe de papillons. Les recherches ont pu montrer à quel moment dans l’évolution de cette population, certaines lignées ont changé de ressource alimentaire. Cela a permis de tester si ces changements ont entrainé une augmentation du taux de diversification. Il s’avère que davantage d’espèces se sont formées à la suite d’un changement de plante hôte plutôt qu’à la suite d’un maintien de plante hôte. « À partir des génomes des Papilionidés, les chercheurs ont aussi pu montrer une association entre la quantité de gènes présentant des traces d’adaptations et les changements de plantes hôtes. », explique le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) dans un communiqué. « Ils ont en effet détecté plus de gènes avec des traces de sélection positive (marque d’adaptation) lors d’un changement de plante hôte que lorsqu’aucun changement de plante hôte n’est observé. Ce résultat indique qu’un grand nombre de gènes est potentiellement impliqué dans le contournement des défenses et l’adaptation des papillons vers de nouvelles plantes hôtes. »

Les résultats confirment alors les attentes des scientifiques selon lesquelles les changements de plantes hôtes sont complexes et nécessiteraient donc un certain nombre d’adaptations, qui affecteraient probablement divers gènes. Le CNRS ajoute également que de manière plus générale, cette étude « établit un lien entre les changements écologiques, les adaptations à l’échelle du génome et les conséquences macroévolutives, qui confirment l’importance des interactions écologiques en tant que moteurs de l’évolution sur de longues périodes de temps. »

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