Contrairement à d’autres espèces, le lamantin des Caraïbes ne bénéficie pas d’un effet « confinement » pendant la pandémie : les activités nautiques qui mettent l’espèce en péril seraient en augmentation.
La pandémie du Covid-19 n’a pas eu que des effets bénéfiques sur l’environnement : les défenseurs du Lamantin des Caraïbes en savent quelque chose. La protection de cette espèce menacée est de plus en plus difficile, surtout depuis que le lamantin des Caraïbes, auparavant classé « en danger d’extinction » sur la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a été déclassé à « Vulnérable » en 2017. Avec la pandémie, les écologistes sont confrontés à des défis inattendus. Jusqu’à présent, elle a entraîné une augmentation des activités de navigation dangereuses pour l’espèce, ainsi des retards dans le lancement de projets environnementaux et même des changements dans les politiques publiques. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Les plaisanciers qui traversent à toute vitesse les habitats des lamantins peuvent facilement blesser ou tuer les mammifères qui se déplacent lentement. Une femelle enceinte a ainsi été frappée par un bateau près de Siesta Key en mai ; elle a été secourue et a donné naissance à un veau en bonne santé, mais elle reste en soins intensifs, selon la Florida Fish and Wildlife Conservation Commission (FWC). En juin, un lamantin nageant au large des côtes du sud-ouest de la Floride est entré en collision avec un bateau, provoquant une fracture de la côte qui a perforé son poumon. Ces types de collisions sont si fréquents que les chercheurs utilisent les cicatrices comme moyen d’identifier les lamantins individuellement. Or selon Patrick Rose, biologiste et directeur exécutif de l’ONG « Save the Manatee Club« , les activités nautiques dangereuses ont augmenté en mars, les rampes d’accès aux bateaux étant restées ouvertes pendant le confinement, et elles sont à nouveau en hausse avec la réouverture de la Floride.
Les chercheurs affirment que les décès de lamantins des Caraïbes ont augmenté de près de 20 % entre avril et mai, par rapport à l’année dernière, et le mois de juin dépasse déjà la moyenne quinquennale pour cette période. Si la FWC ne peut pas en connaître précisément la raison – en raison des restrictions en matière de nécropsie pendant le Covid-19, il n’y a pas de cause officielle de décès pour la plupart des carcasses -, Patrick Rose n’hésite pas à incriminer les bateaux. Mike Engiles, qui dirige la société d’écotourisme Crystal River Watersports, a également remarqué une augmentation des comportements imprudents sur l’eau, y compris les excès de vitesse, les destructions d’herbiers et de bancs de poissons par les hélices et les ancres, et d’importantes émissions de déchets. Crystal River est célèbre pour avoir plus de 70 sources chaudes où les lamantins hivernent.
Au-delà de ces défis immédiats, la pandémie affecte également les efforts de conservation à plus long terme. La distanciation sociale a requis des délais dans certains projets, comme l’initiative d’ouvrir le barrage de la rivière Ocklawaha, qui fournirait un habitat d’eau chaude aux Lamantins. Mais le vrai problème, selon Patrick Rose, ce sont les changements de réglementation qui menacent l’écosystème du lamantin des Caraïbes. Une déréglementation a ainsi été entreprise depuis mars, avec notamment un décret qui réduit les protections environnementales en faveur d’un développement plus rapide. Un développement côtier non durable peut détruire les herbiers marins, la principale source de nourriture des Lamantins. D’autres changements, comme la nouvelle politique de l’Agence de protection de l’environnement visant à suspendre les exigences de surveillance de la pollution de l’air et de l’eau pendant l’épidémie, peuvent nuire davantage aux habitats du lamantin. Le changement climatique provoque déjà des vagues de froid, des super tempêtes et une élévation du niveau de la mer qui finiront par supprimer les sources chaudes, nécessaires aux lamantins. Patrick Rose s’inquiète donc pour le futur du lamantin des Caraïbes : si l’espèce est beaucoup plus nombreuse qu’à une certaine époque, la population n’est désormais plus forcément croissante, et des efforts de conservation sont plus que jamais requis.
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