Les chasses traditionnelles ciblant les oiseaux prennent du plomb dans l’aile

Dimitris Vetsikas de Pixabay

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Dimitris Vetsikas de Pixabay
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Les chasses traditionnelles ciblant les oiseaux vont-elles définitivement disparaître? Le Conseil d’Etat leur a infligé un sérieux revers lundi, en annulant définitivement les chasses aux pantes (filets) et aux matoles (cages) utilisées contre les alouettes, dernière procédure en cours concernant ce type de chasse ancestrale.

Il a jugé que ces techniques étaient non-conformes à la directive européenne « oiseaux » de 2009 qui interdit les techniques de capture massive d’oiseaux sans distinction d’espèces. Selon ce texte, une dérogation est possible à condition d’être dûment motivée et dès lors « qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » pour capturer certains oiseaux.

« L’abrogation de ces derniers textes de loi marque la fin du piégeage soi-disant traditionnel des oiseaux sauvages contre lequel la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) se bat depuis des décennies », s’est félicité le président de l’association, Allain Bougrain Dubourg.

La plus haute juridiction administrative française avait déjà porté un coup sévère aux méthodes traditionnelles de chasse, inventées avant l’apparition des fusils, en annulant en mai 2023 des arrêtés-cadre de 1989 autorisant la chasse à la glu et avec des pièges appelés tenderies sur d’autres espèces d’oiseaux.

La tradition ne suffit pas

Concernant les chasses aux pantes et matoles sur les alouettes, une espèce dont les effectifs ont fondu en France et en Europe, le Conseil d’Etat, saisi par la LPO et One Voice, avait déjà suspendu en référé les arrêtés du gouvernement en octobre 2022.

La décision rendue sur le fond estime que justifier ces chasses au nom du respect de la tradition « ne suffit pas ».

Par ailleurs le Conseil d’Etat juge qu’il n’a pas été démontré que ces types de chasse seraient les seules permettant de capturer des alouettes des champs, qui peuvent également être chassées via des tirs par exemple.

Enfin il estime que ces types de chasse risquent d’entraîner des captures accidentelles d’autres oiseaux.

« Les ministres comme les fédérations intervenantes ne démontrent pas que les prises accessoires résultant de l’emploi de pantes et de matoles (…) ne concerneraient effectivement qu’un faible nombre d’oiseaux », indique la décision. « Il n’est par ailleurs pas démontré que les dommages causés aux oiseaux capturés non ciblés pourraient être regardés comme négligeables ».

Menace de l’Europe

Les alouettes des champs, autrefois oiseaux communs de nos campagnes, ont perdu plus de la moitié de leurs effectifs européens depuis 1980 et près du quart de leur population française au cours des 20 dernières années, selon la LPO.

Mais est-ce pour autant la fin définitive des chasses traditionnelles aux oiseaux?

Ces méthodes ancestrales ont été jugées illégales dans plusieurs décisions de justice pour les saisons 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022. Mais chaque fois ou presque, de nouveaux arrêtés annuels gouvernementaux étaient réapparus, sous la pression des chasseurs, introduisant ici des quotas, là des limitations à quelques territoires, pour tenter de convaincre la justice de ne pas les abroger. En vain.

Si aucun arrêté annuel n’est plus actuellement en cours, rien ne l’empêche d’en publier de nouveaux.

En octobre-novembre 2023, une expérimentation dans certains départements sur l’utilisation de pantes a été menée. Selon la Fédération nationale des chasseurs (FNC), elle attesterait de la sélectivité de cette méthode.

Mais pour le Conseil d’Etat, « ni sa durée ni les volumes d’oiseaux capturés sur lesquels elle s’appuie ne permettent de tirer de conclusions fiables et définitives ».

« Nous allons continuer le combat contre cette humiliation permanente du monde rural », a réagi le président de la FNC, Willy Schraen, dans un communiqué.

Il annonce vouloir consulter « les chasseurs de France, pour décider de la suite à tenir sur ce dossier majeur pour l’avenir de la chasse en général. Car dorénavant plus rien ne peut empêcher d’autres chasses traditionnelles d’être attaquées sur les mêmes bases juridiques ».

En janvier 2023, la Commission européenne avait déjà demandé à la France de mettre fin à certaines chasses traditionnelles aux oiseaux, la menaçant de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. En mars 2021, cette même instance avait déjà jugé qu' »un État membre ne peut pas autoriser une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires dès lors qu’elles sont susceptibles de causer aux espèces concernées des dommages autres que négligeables ».