🔻Une loi pour spécialiser les juges sur les questions environnementales

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La loi du 24 décembre 2020 prévoit une série de mesures pour améliorer la lutte contre la délinquance environnementale. Explications avec Sébastien Mabile, vice-président du Comité Français de l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN) et avocat au barreau de Paris.

Le volet environnemental de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a pour objectif principal de spécialiser les juges en matière d’environnement et ainsi répondre à la problématique de la complexité des dossiers en matière de droit pénal et de responsabilité civile environnementale. « La demande a été portée par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) depuis pas mal d’années. En 2016, le Congrès mondial de la Nature d’Hawaï avait adopté une recommandation invitant les États à spécialiser les juges en matière d’environnement et à créer des tribunaux spécialisés dans l’environnement. Ça s’inscrit dans un cadre d’un mouvement mondial, aujourd’hui une quarantaine de pays ont déjà créé des juridictions spécialisées pour l’environnement », explique Sébastien Mabile, vice-président du Comité Français de l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN) et avocat au Barreau de Paris.

Il explique que la loi du 24 décembre reprend les propositions d’une mission d’inspection qui avait été menée en 2018-2019 par l’Inspection générale de la justice et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, exposées dans le rapport Une justice pour l’environnement. En ce qui concerne le droit pénal, « la loi reprend cette proposition en créant des pôles régionaux spécialisés en matière pénale, donc avec une échelle territoriale qui est d’un tribunal par ressort de cour d’appel. Ces tribunaux regrouperont à la fois des magistrats du parquet, du siège et de l’instruction, et seront compétents pour les affaires complexes comme certains délits du Code de l’environnement, du Code rural et de la pêche maritime, du Code minier ou du Code forestier ». Sébastien Mabile souligne le caractère « complexe » des affaires, « les affaires simples resteront de la compétence des juridictions de droit commun ». Au niveau Civil, un tribunal judiciaire par ressort de cour d’appel sera spécialement désigné pour connaître entre autres des actions de réparation de préjudices écologiques.

L’objectif du volet environnemental de cette réforme pénale est de pouvoir confier ces affaires à des magistrats mieux formés et plus conscient des enjeux environnementaux et écologiques, notamment sur la rareté d’une espèce ou d’un écosystème, mais également de « créer un volume de dossiers qui soit suffisant pour que des magistrats puissent instruire uniquement ce type d’affaires, améliorer le traitement judiciaire de ce type de contentieux et apporter une réponse pénale qui soit plus à la hauteur qu’elle ne l’est actuellement. On constate aujourd’hui que très peu de dossier vont en audience publique, regrette le vice-président de l’UICN. Très majoritairement les parquets privilégient des mesures alternatives aux poursuites telles que la transaction pénale, la composition pénale et autres ».

La loi du 24 décembre prévoit aussi d’accorder aux inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) certaines compétences de police judicaire, ce qui permet de renforcer les pouvoirs dont ils peuvent disposer dans le cadre d’une enquête. La loi élargit également la possibilité de conclure des conventions judiciaires d’intérêts public (CJIP) sur les questions environnementales. Ces CJIP existent déjà en matière de lutte contre les atteintes à la corruption. Elles permettent aux entreprises en situation d’infraction aux dispositions du Code de l’environnement de pouvoir conclure une convention avec le parquet, et donc d’éviter un procès public mais avec le paiement d’une amende qui « pourrait être portée jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, détaille Sébastien Mabile. Les entreprises ont aussi pour obligation de réparer intégralement les dommages causés, y compris le préjudice écologique, et doivent mettre en place un programme de mise en conformité de manière à éviter la réitération des faits »

Loi du 24 décembre  

Rapport « Une justice pour l’environnement »