Glyphosate : l’Anses et ses conflits d’intérêts (2 mn 30)

Photo d'illustration © Th G de Pixabay

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Une députée et des lanceurs d’alerte ont remis en question l’impartialité de l’Anses dans le cadre d’une étude sur le potentiel cancérogène du glyphosate, fustigeant de graves manquements au code de déontologie.

La réévaluation européenne du glyphosate, qui doit aboutir en 2022, décidera si cet herbicide controversé peut continuer à être commercialisé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait organisé un appel d’offres pour mener une étude sur le potentiel cancérogène du glyphosate, dont les conclusions devaient peser dans la réévaluation. Fin avril, en plein confinement, il a dévoilé la composition du consortium de sept laboratoires ayant remporté l’appel d’offres. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Mais mardi 9 juin, la députée Delphine Batho a interpellé le gouvernement, a mis en cause la déontologie et l’indépendance de la procédure de sélection du consortium. « Le consortium retenu pour mener ces études, coordonné par l’IPL [Institut Pasteur de Lille], est dirigé notamment par le président du groupe d’expertise collective d’urgence [GECU] de l’Anses qui [en] a établi le cahier des charges », a-t-elle ainsi expliqué, fustigeant un manquement au code de déontologie. Ainsi environ 1,2 million d’euros de financement ont été accordés par l’Anses au consortium copiloté par M. Nesslany, de l’IPL, qui avait par ailleurs déterminé les modalités techniques de l’appel d’offres. « On peut s’interroger, c’est normal, a répondu M. Nesslany. Mais il y a eu un appel d’offres international, et je sais que notre consortium est le seul qui ait proposé de répondre à chacun des points du cahier des charges. »

La députée précise par ailleurs que M. Nesslany était membre comité d’experts ad hoc de l’Anses qui a valide le cahier des charges le 19 février 2019, créant selon elle un autre conflit d’intérêts. Mme Batho a rappelé enfin que M. Nesslany était « l’un des auteurs du rapport d’expertise collective ayant fondé l’avis [positif] de l’Anses sur le glyphosate » en 2016. Or, selon elle, « des prises de positions antérieures » d’un expert peuvent suffire à établir « le risque d’un manquement à l’impartialité ».

Mme Batho n’a pas été la seule à réagir. Un collectif de lanceurs d’alerte a également élaboré un document technique d’une dizaine de pages qui accable l’Anses. « La restriction des expériences requises par le cahier des charges, écrivent-ils dans un document confidentiel transmis au Monde, a clairement avantagé le consortium lauréat, dont trois équipes étaient rédactrices [du cahier des charges]. » D’autres aspects de la procédure sont critiquables : « Les exigences de protocoles, de lignées cellulaires (le type de cellules utilisées dans les expériences), des tests à conduire et jusqu’aux méthodes d’analyse des cassures de l’ADN : certaines demandes du cahier des charges favorisent, selon les lanceurs d’alerte, des laboratoires précis », précise Le Monde.

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