La lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane française, c’est chaque jour plus de 500 soldats, gendarmes, douaniers, policiers ou gardes forestiers déployés sur un territoire plus vaste que l’Écosse où sévissent environ 10.000 orpailleurs clandestins, la plupart venus du Brésil.
Faute de pouvoir contrôler chaque sentier de la forêt tropicale, le dispositif, piloté par le préfet de Guyane, vise en priorité les flux logistiques des garimpeiros, pour entraver leur action et diminuer sa rentabilité. « Notre but est de maintenir l’orpaillage dans un seuil relativement bas, explique à l’AFP le directeur de cabinet du préfet de Guyane, Olivier Ginez. Tant qu’il y aura de l’or, il y aura des garimpeiros. Notre but est de tenir le coffre, de faire retomber le niveau d’orpaillage illégal à un niveau acceptable. Et de travailler à trouver des alternatives économiques à l’orpaillage, via le développement ».
En forêt, les Forces armées en Guyane (FAG) maintiennent des postes avancés depuis lesquels les soldats, systématiquement accompagnés de gendarmes, de policiers ou de gardes dotés de pouvoirs de police judiciaire, patrouillent, à pied ou en pirogues, les sites où les avions et les hélicoptères ont repéré des activités d’orpaillage. Deux barges saisies à des trafiquants ont été transformées en barrages flottants sur des affluents du fleuve Maroni, obligeant les garimpeiros à de longs et coûteux détours par des pistes taillées dans la forêt. En 2018, 1.323 patrouilles, soit en moyenne onze par jour, ont permis la découverte et la destruction de 765 sites clandestins et la saisie de 26 millions d’euros de matériel et d’avoirs criminels. 193 pirogues, plus de deux cents armes, 110 quads et 547 groupes électrogènes ont été confisqués ou détruits. Une partie de ces avoirs, notamment des quads ou des moteurs hors-bord, a été transférée, sur décision de justice, aux forces de l’ordre. « Notre but, c’est de générer de l’insécurité chez eux, de dégrader leurs flux logistiques, ajoute M. Ginez. Je demande régulièrement aux soldats quel est le prix de la bière ou du litre de gasoil dans la forêt. S’il monte, c’est que notre action est efficace. » Selon les données de l’organisation non gouvernementale WWF, « dix à douze tonnes » d’or illégal sont exfiltrées annuellement de la Guyane et « treize tonnes » de mercure, servant à amalgamer les paillettes d’or pour les récupérer, sont relâchées annuellement dans le milieu naturel. Le mercure est un métal toxique qui peut être rejeté dans l’environnement via des processus naturels, tels que le volcanisme ou l’érosion des sols, mais aussi par les activités humaines comme l’orpaillage. Les mines artisanales et à petite échelle (ASGM, pour artisanal and small-scale gold mining ) sont celles qui contribuent le plus aux rejets de mercure : 775 tonnes ont été relâchées dans l’atmosphère en 2015 et 800 tonnes aboutissent dans des réserves d’eau douce chaque année. Une équipe pluri-disciplinaire, dirigée par Laurence Maurice, spécialiste en géochimie environnementale à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), s’est intéressée à l’impact de ce type de mines d’or dans le bassin du fleuve Oyapock, située en Guyane française, le long de la frontière brésilienne, et alimentée par la rivière Camopi. Ces cours d’eau drainent une surface de 24 630 km2. Des études précédentes menées en Bolivie par la même équipe n’avaient pas réussi à détecter un apport de mercure lié directement à l’exploitation d’or alluvial car les bassins hydrographiques y sont trop grands et les dynamiques hydrologiques et sédimentaires trop puissantes. La taille restreinte du bassin de l’Oyapock, ainsi que la dynamique hydro-sédimentaire des petites criques ont permis de lever ces obstacles. « Le bassin de l’Oyapock présente surtout l’intérêt de posséder des régions orpaillées et d’autres qui ne le sont pas : c’était une caractéristique essentielle pour pouvoir évaluer les différences d’imprégnation mercurielle dans l’environnement aquatique entre les zones exploitées et celles qui ne sont pas touchées par ces activités », explique Laurence Maurice. Le Parc amazonien de Guyane, parc national de 34.000 km2 qui couvre le grand sud guyanais, est toujours très fortement touché avec « 122 sites » illégaux en activité au troisième trimestre 2018.
En 2018, « 26 millions d’euros » de matériels ont été confisqués (en hausse de 81% par rapport à 2017), et « 120 kilos de mercure et 5 kilos d’or » saisis. Par ailleurs, 116 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, 6 peines de prison ferme avec maintien en détention prononcées. Après des années 2016 et 2017 très mauvaises, 2018 sonne la « remobilisation générale » de la lutte contre l’orpaillage, « conformément aux voeux du président de la République », précise le bilan établi par la préfecture de Guyane. La « rationalisation des missions » a permis « d’augmenter le temps de présence en forêt » avec plus de 5.000 patrouilles dans l’année contre 3.300 en 2017.
Le Parc amazonien de Guyane (PAG), parc national de 34.000 km2 qui couvre le grand sud guyanais, est toujours très fortement touché avec « 122 sites » illégaux en activité au 3e trimestre 2018.