L’Assemblée vote l’interdiction de la pêche électrique dans les eaux territoriales (2 min 30)

Photo © Richard-Ying-et-Tangui-Morlier

2221
© Richard-Ying-et-Tangui-Morlier
⏱ Lecture 3 mn.

Alors que des pêcheurs des Hauts-de-France portaient plainte pour pêche illégale afin de dénoncer la pratique de la pêche électrique par des Néerlandais, l’Assemblée nationale a voté l’interdiction de cette méthode de pêche dans les eaux territoriales.

Bloom, la coopérative maritime de Dunkerque (Nord) et les pêcheurs artisans des Hauts-de-France ont annoncé jeudi 9 mai avoir déposé plainte contre X pour pêche illégale afin de dénoncer la pratique de la pêche électrique par des Néerlandais dans les eaux françaises. Selon les plaignants, les pêcheurs néerlandais ne respectent pas la restriction en vigueur, limitant cette pêche à titre expérimental à 5% de la flotte européenne. « Aujourd’hui, il a été reconnu que les Pays-Bas avaient dépassé ce cadre réglementaire. Ils auraient dû équiper 14 navires. Or, ce sont 84 chalutiers électriques qui pêchent dans le sud de la mer du Nord », a affirmé Mathieu Colleter, responsable des relations institutionnelles de l’ONG Bloom, qui a déposé plainte contre X avec 46 sociétés de pêche des Hauts-de-France et la coopérative maritime de Dunkerque. L’objectif de la plainte, déposée à Dunkerque, est « d’obtenir réparation pour les préjudices subis et la reconnaissance du caractère illégal de la majorité des licences néerlandaises », a-t-il souligné en conférence de presse. Selon l’ONG, « le fait de pêcher avec une licence qui n’est pas délivrée en application de la réglementation expose les contrevenants à une peine de 22.500 euros d’amende, et l’Etat néerlandais risque aussi des condamnations devant la Cour de justice de l’Union européenne ». Stéphane Pinto, vice-président du comité régional des pêches des Hauts-de-France et représentant des 41 fileyeurs, a affirmé que ces bateaux étaient là « tous les jours », au large de la Côte d’Opale, occasionnant « une situation catastrophique » pour la ressource en mer et les pêcheurs artisans français. « En avril, les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer ont débarqué 14 tonnes de soles, au lieu de 46 tonnes l’année dernière. Les équipages sont dégoûtés, les banques nous menacent », a-t-il assuré. Le parquet de Dunkerque a confirmé la plainte et indiqué à l’AFP qu’il « serait amené » à ouvrir une enquête préliminaire, qu’il confiera à la gendarmerie maritime, dans les prochains jours.

Le dépôt de la plainte intervenait le jour où se tenaitt le vote en première lecture à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi sur l’interdiction de la pêche électrique dans les eaux territoriales françaises. Les députés ont voté à l’unanimité l’interdiction de la pêche électrique dans les eaux territoriales françaises, anticipant l’interdiction générale dans l’Union européenne en 2021. Les députés ont voté par 54 voix une proposition de loi portée par l’élu du Finistère Erwan Balanant (MoDem) et co-signée par 135 députés de tous bords, qui a reçu le soutien du gouvernement. Elle doit désormais être validée par le Sénat pour que l’interdiction entre en application, dans la limite fixée des 12 milles au large des côtes, soit 22,2 km. La pêche électrique, jugée dévastatrice pour la faune et les fonds marins, est peu usitée en France au contraire des Pays-Bas qui en sont les principaux partisans en Europe. A l’issue d’un long cheminement, un accord a été trouvé mi-février entre les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres pour interdire cette pratique à partir de l’été 2021, mais laissant la possibilité aux Etats de l’interdire dès à présent dans leurs eaux territoriales. Cet accord a été entériné par le Parlement européen mi-avril. Le ministère de l’Agriculture avait indiqué qu’il anticiperait l’interdiction dans les eaux françaises, ce qu’a confirmé dans l’hémicycle Didier Guillaume. Dans les prochaines semaines, « le gouvernement va prendre un arrêté », a assuré le ministre, tout en soutenant le vote de l’Assemblée, « point fort pour notre pays ». M. Balanant a souligné l’intérêt de la « voie législative » pour ce qui n’est « pas une simple mesure technique ». La pêche électrique consiste à envoyer depuis un chalut des impulsions électriques dans le sédiment pour y capturer des poissons vivant au fond des mers. Elle est interdite en Europe depuis 1998, mais la Commission européenne permettait sa pratique depuis 2006 dans le cadre d’un régime dérogatoire exceptionnel. Le ministre de la Transition écologique François de Rugy a aussi salué cette « initiative parlementaire » d’interdiction, soulignant notamment l’enjeu de « protection de la biodiversité marine », trois jours après un rapport catastrophique d’experts de l’ONU sur l’état de la nature. De la gauche de la gauche aux Républicains, la plupart des députés ont aussi évoqué l’enjeu en termes d’emplois, du fait de l’effondrement de la ressource due à la pêche électrique, en particulier en Mer du Nord.