Plus d’une centaine de députés et de sénateurs ont exigé mardi une application stricte de l’interdiction des néonicotinoïdes à partir de cet automne, en limitant au maximum les dérogations, et une meilleure traçabilité pour le miel.
Réunis dans un comité de soutien à l’abeille et aux apiculteurs, ces 135 élus entendent soutenir la filière apicole, qui emploie environ 100.000 personnes en France, et protéger les abeilles, alors que la production nationale a été divisée par trois entre 1995 et 2016 et que les importations ont augmenté d’autant. « Pour nous, les choses sont claires, c’est le moins de dérogations possible », a expliqué la députée Delphine Batho lors d’une conférence de presse. La loi sur la biodiversité de 2016 prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes en France à partir du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles au cas par cas jusqu’au 1er juillet 2020. Ces substances s’attaquent au système nerveux des insectes, désorientent les pollinisateurs, contribuant au déclin spectaculaire des colonies d’abeilles. Elles touchent aussi des invertébrés terrestres et aquatiques et persistent dans l’eau et les sols. Au niveau européen, Bruxelles a restreint en décembre 2013 l’usage des trois principales substances pour les cultures à fleurs (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame), mais pas sur les céréales d’hiver. Deux autres substances néonicotinoïdes, le thiaclopride, dont l’usage est en hausse, et l’acétamipride, n’étaient pas concernées par ce moratoire partiel. Pour mieux lutter contre ces substances, « on va proposer enfin une définition dans la loi pour définir précisément ce que c’est, un pesticide néonicotinoïdes », a fait savoir le député Matthieu Orphelin. Ce comité défend aussi une meilleure traçabilité des miels. La législation européenne prévoit de mentionner sur l’étiquette des pots de miel le pays d’origine de récolte, sauf pour les miels mélangés provenant de plusieurs pays. Or les miels mélangés importés représentent 75% des miels consommés en France, selon ce comité. Il faut « faire en sorte que les consommateurs sachent ce qu’ils consomment », a souligné Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française. « Si on peut se réjouir d’une véritable prise de conscience sur la question climatique, on a vraiment laissé la biodiversité sur le bord du chemin dans nos priorités, a déploré Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), alors qu’une étude récente fait état d’un déclin « vertigineux » des oiseaux de campagne. Il n’y a qu’une ambassadrice qui réveille un peu nos consciences, c’est l’abeille », a-t-il souligné.
De leur côté, 86 parlementaires européens ont adressé une lettre ouverte aux 28 états membres de l’Union dans laquelle ils demandent à la Commission de tout mettre en œuvre pour convaincre les représentants des États membres afin d’obtenir une majorité qualifiée en faveur de sa proposition initiale visant à étendre l’interdiction partielle de trois pesticides néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) à toutes les cultures de plein champ. Alors que les études montrent que l’utilisation de pesticides néonicotinoïdes représentent un risque réel pour les abeilles sauvages et les abeilles mellifères, et que, dans certaines régions d’Europe, le taux de mortalité des abeilles atteint les 80%, ces parlementaires exortent tous les États membres, en particulier ceux qui bloquent la proposition, à prendre leurs responsabilités et à soutenir la proposition de la Commission européenne sans plus tarder.