Alors que les députés rechignent à réglementer l’usage du glyphosate, le ministre de l’agriculture Stéphane Travert confirme l’objectif de 15% de surface agricole en « bio » en 2022 et annonce que cette ambition mobilisera d’ici là 1,1 Md€ de crédits.
L’ambition affichée par le gouvernement est de « développer une production et une transformation biologiques innovantes et performantes capables de répondre à la demande forte des consommateurs et aux attentes sociétales en matière d’environnement et de bien-être animal ».
Pour ce faire, trois leviers financiers sont mobilisés :un renforcement des moyens consacrés aux aides à la conversion, avec 630 M€ de fonds FEADER (aides européennes du second pilier) et près de 200 M€ de crédits d’État, auxquels s’ajouteront les autres financements publics ; un doublement du fonds de structuration « avenir bio » géré par l’Agence bio, porté progressivement de 4 à 8 M€ par an ; une prolongation du crédit d’impôt bio, revalorisé de 2 500 à 3 500 €, d’ores et déjà assurée sur la période de programmation budgétaire 2018-2020. La concertation sur le nouveau programme sera lancée dans les prochains jours. Le travail s’articulera autour des axes identifiés par l’ensemble des acteurs dans le programme précédent, complétés par un volet spécifique aux outre-mer :développer la production ; structurer les filières ; développer la consommation ; renforcer la recherche et la diffusion des résultats ; former les acteurs agricoles et agroalimentaires ; enfin, adapter la réglementation.
De son côté, la mission parlementaire française d’information sur les pesticides prône, dans son rapport rendu public mercredi, une meilleure prévention et information concernant les dangers occasionnés par ces produits, mais restreint considérablement le périmètre d’interdiction envisagé d’un des plus controversés d’entre eux, le glyphosate. « L’établissement d’un lien de causalité entre la survenue d’une pathologie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques est délicat, note la mission parlementaire, qui souhaite disposer de données documentées et notamment d’études épidémiologiques.A cet effet, elle souhaite renforcer les dispositifs de surveillance écotoxicologique afin de disposer de données plus complètes et suivies des différents milieux ainsi que des espèces à surveiller en priorité. Elle souhaite également mettre en place un dispositif national de
surveillance des pesticides dans l’air et fixer un seuil de détection des produits phytopharmaceutiques« . ATMO France, qui fédère les associations de surveillance de la qualité de l’air, avait déjà annoncé fin novembre une campagne de mesure des pesticides dans l’air en 2018. La mission note toutefois dans son rapport que « plusieurs études récentes montrent, sans doute possible, les dégâtsoccasionnés par une large utilisationdes pesticides, évoquant la disparition d’une large part des insectes, oiseaux et autres pollinisateurs. Elle insiste par conséquent sur la nécessité de réduire drastiquement
l’usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon ». Mais elle temporise aussitôt, écrivant que le processus prendra du temps.
Ainsi, sur l’exemple emblématique du glyphosate, herbicide controversé, les rapporteurs jugent « nécessaire d’accélérer les travaux de recherche et de développement pour trouver des alternatives crédibles, estimant implicitement qu’il n’y en a pas. Le rapport suggère d’interdire, dans l’immédiat, l’utilisation du glyphosate dans sa fonction dessiccative au niveau national », soit l’usage sur les plantes pour les déshydrater et faciliter leur récolte. Mais, à en croire les producteurs de blé, cette utilisation n’a presque jamais cours sur les céréales de l’Hexagone et une telle interdiction serait donc sans effet. « Nous, on ne l’emploie qu’après moisson sur les champs ,explique à l’AFP Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé). Il explique que c’est le soleil qui fait le boulot » pour déshydrater la plante, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme le Canada. « L’usage dessiccant est déjà interdit, c’est vraiment de la poudre aux yeux ! »,a réagi Carmen Etcheverry, chargée agriculture pour l’ONG FNE (France Nature Environnement), qui a également dénoncé un « retropédalage » sur le glyphosate. « On a l’impression qu’ils ont acté les effets inacceptables(des phytosanitaires), ils reconnaissent une dangerosité mais ça se gâte dans les moyens mis en oeuvre, qui ne sont pas à la hauteur voire induisent des reculs », a déclaré à l’AFP François Veillerette, directeur de Générations Futures. A l’inverse, Eric Thirouin, secrétaire général adjoint à la FNSEA, s’est réjoui de la teneur de ce rapport qui tend à « trouver des solutions plutôt que des interdictions ». La députée socialiste et ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho avait annoncé jeudi sa démission de la vice-présidence « parce que le projet de rapport ne prône pas la sortie du glyphosate ni même son interdiction dans trois ans »,contrairement à ce que promettait l’exécutif il y a quelques mois à peine.
Les parlementaires proposent également la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, objet d’une proposition de loi PS adoptée début février au Sénat contre l’avis du gouvernement. Les auteurs du rapport ne disent toutefois pas comment ce fonds sera financé.