Compensation écologique : l’impossible cas Notre-Dame des Landes

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Une commission sénatorial a analysé l’impact environnemental de quatre grands projets d’infrastructure, dont le projet d’aéroport contesté de Notre-Dames-des-Landes. Il a livré ses conclusions et recommandations sur le sujet conflictuel de la compensation écologique, affirmant que celle prévue pour l’aéroport était quasiment impossible.

Une commission d’enquête de la Chambre haute, mise en place le 29 novembre 2016, a analysé « la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructure, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi » et a publié son rapport le 11 mai dernier. Lorsqu’un grand chantier porte atteinte à la biodiversité d’un site, la compensation écologique désigne l’action de protéger ou de réparer ailleurs ce qui y est détruit. Elle a été renforcée par la loi Biodiversité de 2016, qui introduit une obligation de résultat. Pour son rapport, la commission a examiné quatre cas concrets : l’autoroute A65 reliant Pau à Langon (Gironde), la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux, la réserve d’actifs naturels de Cossure dans la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône) et le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Elle a auditionné une centaine d’acteurs, dont des élus locaux, et a mis en ligne sur le site Internet du Sénat un espace participatif pour « enrichir ses travaux par les avis, propositions et expériences de terrain des citoyens ».

Dans ses conclusions, la commission préconise le renforcement de la séquence « Eviter-Réduire-Compenser » (ERC), introduite en droit français en 1976 dans le cadre de la protection de la nature. Une grande partie des acteurs interrogés a ainsi souligné que les mesures d’évitement, qui peuvent modifier un projet afin de supprimer un impact négatif identifié au préalable, ne pas suffisamment mises en œuvre. Une plus grande anticipation des conséquences des chantiers sur le monde agricole et sur la biodiversité, à travers des études d’impact, est également nécessaire. Les rapporteurs recommandent par ailleurs de mieux prendre en compte la biodiversité « ordinaire », comme les oiseaux communs ou les pollinisateurs, dans les processus d’autorisation. Les collectivités territoriales, les agriculteurs et les autres parties prenantes doivent être plus largement incluses dans le dialogue entre l’Etat et les grands maîtres d’ouvrage, afin de faire émerger une vraie démocratie environnementale. La commission conclut qu’il faut « repenser le suivi à l’échelle des territoires » et assurer la pérennité des mesures compensatoires, que rien ne garantit actuellement. Les agents chargés de leur suivi doivent en effet vérifier leur effectivité en procédant par sondage. A ce jour, le rapport estime que de tels « moyens de contrôle limités » rendent illusoire l’application d’éventuelles sanctions prévues par la loi Biodiversité.

Parmi les quatre exemples concrets étudiés par les sénateurs figure le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Leurs conclusions font état de la quasi-impossibilité de compenser les pertes de terres agricoles et de zones humides riches en biodiversité du futur site de l’aéroport. Pour Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique et rapporteur de la commission, le projet actuel n’applique aucunement la séquence ERC obligatoire. En effet, le choix de la future implantation de Notre-Dame-des-Landes a été arrêté dans les années 1960 « sans prise en compte de la biodiversité ». L’étude d’alternatives préconisée par la phase dite d’évitement n’a pas été menée, ainsi que l’ont rappelé les agriculteurs et les associations d’opposants auditionnés par la commission, de même que l’étape de réduction des atteintes à la biodiversité. Mais par-dessus tout, les mesures compensatoires prévues par l’Etat et Vinci sont « surévaluées », estime Ronan Dantec, alors que les surfaces nécessaires à la compensation ont à l’inverse été sous-évaluées. Enfin le coût de la compensation, qui pourrait s’élever « en moyenne de 1 à 2 millions d’euros par an, alors que les maîtres d’ouvrage annoncent 300 000 euros », la rend utopique. Forts de ce constat, et sans se positionner pour ou contre la construction de l’aéroport, les sénateurs avancent trente-cinq propositions visant à améliorer l’état actuel du projet, s’adressant peut-être en cela au nouveau Président de la République Emmanuel Macron qui, tout en affirmant qu’il respecterait le « oui » du référendum de 2016, avait affirmé qu’il nommerait un médiateur indépendant chargé d’étudier la possibilité d’une alternative pouvant contenter tout le monde.

La page de la commission d’enquête