Définitivement adoptée le 25 juillet par l’Assemblée nationale, la « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » a été soumise à la censure du Conseil constitutionnel par les députés et les sénateurs Les Républicains.
Les neuf sages ont rendu leur arrêt le 4 août et ont validé pour l’essentiel les 174 articles de la loi, en particulier les deux dispositions les plus critiquées par les parlementaires requérants :
- Le principe de non-régression, selon lequel « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Les élus de droite reprochaient à cet article 2 de la loi de limiter la liberté de légiférer du Parlement pour l’avenir, et d’être en contradiction avec le principe de précaution, inscrit dans le préambule de la Constitution.
Les juges ont estimé, d’une part, qu’il est « à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Dans l’un et l’autre cas, il ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l’article 2 de la Déclaration de 1789 et les articles 3, 39 et 44 de la Constitution doivent donc être écartés », et d’autre part que « Les dispositions contestées ont pour objet de favoriser l’amélioration constante de la protection de l’environnement et ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l’article 5 de la Charte de l’environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution. Dès lors le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de précaution est inopérant. »
L’article 2 est en conséquence déclaré conforme à la Constitution.
- L’interdiction, à partir du 1er septembre 2018, des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits.
Les parlementaires requérants considéraient, suivant en cela l’argumentation de l’industrie pharmaceutique et de la FNSEA, que cette interdiction porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d’entreprendre des personnes commercialisant ces produits et de leurs utilisateurs, dans la mesure où l’interdiction qu’elles édictent concerne des produits chimiques dont les effets dommageables sur l’environnement ne sont pas suffisamment démontrés.
Les juges ont considéré, d’une part, qu’ « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances, l’appréciation par le législateur des conséquences susceptibles de résulter pour l’environnement et pour la santé publique de l’utilisation de ces produits », et d’autre part, que « si le législateur a interdit l’usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits, il n’a en revanche interdit ni leur fabrication ni leur exportation. Par ailleurs, s’il a fixé la date d’interdiction de l’usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits au 1er septembre 2018, il a toutefois aménagé des possibilités de dérogation à l’interdiction pendant une durée de vingt-deux mois à compter de cette date. Dans ces conditions, il a porté à la liberté d’entreprendre des personnes commercialisant ces produits et ces semences et à celle de leurs usagers une atteinte qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement et de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique poursuivis. »
En conséquence, cette disposition est conforme à la Constitution.
En revanche, le Conseil a censuré, principalement pour des raisons de procédure parlementaire, des dispositions de moindre importance, portant sur les règles applicables à la protection des chemins ruraux (articles 76 à 79) et au rattachement à l’Agence française pour la biodiversité (AFB), créée par la nouvelle loi, de l’Etablissement public pour la gestion du marais poitevin.
Validée par le Conseil constitutionnel, la loi Biodiversité peut désormais entrer en application, au rythme de la publication des décrets nécessaires.