🔻 Au Venezuela, le glacier tropical de Humboldt « meurt » et « laisse la vie » émerger

Photo d'illustration ©Hendrick Sanchez

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À plus de 4.000 d’altitude, mousses, lichens et oiseaux colonisent peu à peu les vestiges du dernier glacier de la Cordillère des Andes vénézuélienne : la fonte des neiges, accélérée par le réchauffement climatique, suscite le désarroi, mais ouvre aussi des champs d’observation uniques pour les scientifiques.

Selon des données compilées par des scientifiques vénézuéliens qui cherchent à documenter les effets du changement climatique, le glacier de Humboldt, situé sur le pic du même nom au sein de la Sierra Nevada de Mérida, dans l’ouest du Venezuela, aurait perdu plus de 99% de sa surface depuis 1910. « Pour les habitants de Mérida, c’est très triste, très difficile« , reconnaît auprès de l’AFP la scientifique Alejandra Melfo, membre du projet

« Dernier glacier du Venezuela » lancé par l’Institut de sciences environnementales et écologiques de l’Université des Andes (ULA), en partenariat avec la chaîne National geographic. Mais « c’est extrêmement intéressant pour un scientifique d’avoir la possibilité d’observer comment la vie apparaît progressivement sur la roche » mise à nu par la fonte de la glace, ajoute la physicienne qui a participé à plusieurs expéditions sur le terrain.

Le glacier du pic Humboldt (4.940 mètres), du nom du naturaliste allemand Alexander von Humboldt (1769-1859) qui a traversé une partie du Venezuela et émis l’hypothèse que le climat peut être modifié par l’homme, est le dernier des cinq principaux glaciers tropicaux du pays sud-américain. S’il disparaissait, le Venezuela pourrait être le premier pays du monde à voir s’effacer tous ses glaciers. « En 1910, au pic Humboldt, il y avait l’équivalent de 300 terrains de football (de glacier) Aujourd’hui, il n’y en a plus que cinq« , témoigne le coordinateur du projet et spécialiste en recherches environnementales, Luis Daniel Llambi, cité par National geographic.

Alejandra Melfo évoque une surface de 4,5 hectares, selon des mesures effectuées en 2019. José Manuel Romero, 40 ans, documentariste né à Mérida, qui a participé au tournage d’un documentaire sur le projet, a fait l’ascension du pic glaciaire pour la première fois en 2000. « Je suis arrivé jusqu’au glacier de Humboldt et il me paraissait infini. Il fallait marcher des heures sur le glacier pour arriver au sommet. C’était
incroyable, magnifique. Jamais je n’aurais imaginé qu’il puisse disparaître, du moins en si peu de temps« , raconte-t-il à l’AFP.

Mais le recul du glacier représente une « opportunité unique de mener des études qui n’avaient pas été faites dans les Andes, sur la façon dont la vie colonise la roche quand la glace se retire« , souligne Alejandra Melfo. À l’occasion de trois missions auxquelles ont participé une dizaine de scientifiques, des « mousses et lichens nouveaux pour le Venezuela » ont été trouvés, raconte-t-elle, « des espèces qui n’avaient pas été répertoriées à cette altitude, y compris des espèces jamais recensées« . « Nous avons vu des colibris, notamment une espèce (…) qui pollinise les plantes à cette altitude« , souligne la scientifique. « On a constaté une association de mousses, lichens et bactéries qui forment un environnement où d’autres plantes peuvent vivre« .

« Le glacier meurt et laisse de la vie, une nouvelle opportunité pour de la vie« , devise-t-elle. Grâce au projet, des « cartes multitemporelles » ont pu être élaborées qui permettent de déterminer à quel endroit était le glacier au cours de l’histoire pour mieux évaluer son recul. De son vivant, José Manuel Romero a déjà vu disparaître deux glaciers tropicaux de la Sierra Nevada de Mérida, celui du pic Bolivar et celui du pic Bonpland. Les deux autres, El Toro et El Leon, ont disparu avant sa naissance. « C’est le premier mois de décembre que nous passons sans voir de glace sur le pic Bolivar, même pas une tache blanche, c’est désolant, sans parler du peu de glace qui reste sur le pic Humboldt« , se lamente-t-il. Pour lui, la fin du glacier de Humboldt est désormais une « question d’années« . « Je ne pense pas qu’il passera la fin de la prochaine décennie« .