Une étude montre que les anciennes coulées de lave du Piton de la Fournaise, à La Réunion, ont gardé la trace du déclin de certaines espèces d’arbres, en lien avec la disparition des animaux qui en dispersaient les graines.
L’île de La Réunion abrite le Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs au monde, avec près de 240 éruptions depuis 1650. Dans une nouvelle étude, les scientifiques montrent que les cicatrices de ces éruptions peuvent aider à découvrir les conséquences de la colonisation humaine sur l’environnement insulaire, notamment la diminution des populations d’arbres à gros fruits comme le Sideroxylon borbonicum, connu localement sous le nom de bois de fer de Bourbon, et le Labourdonnaisia calophylloides, ou bois de natte à petites feuilles.
Les destins de la flore et de la faune sont liés. Les mammifères et les oiseaux contribuent à la dispersion des graines des plantes ; dont le choix et la distance de transport varient selon les animaux. Le plus grand mangeur de fruits qui habite aujourd’hui l’île est le bulbul de Bourbon (Hypsipetes borbonicus), un oiseau mille fois plus petit que certains des animaux qui parcouraient autrefois La Réunion, telle que la tortue géante, chassée par les premiers colons jusqu’à l’extinction. Ainsi Le bulbul ne peut pas se nourrir des fruits que la tortue pouvait manger; il ne peut ingérer que des graines de moins de 13 mm.
Sébastien Albert et ses collègues de l’Université de La Réunion ont cherché à savoir si le déclin du bois de fer de Bourbon et du bois de natte à petites feuilles, de gros arbres, pouvaient être liés à la disparition de gros animaux comme la tortue géante ou le Mascarin de la Réunion, un perroquet autrefois endémique de l’île. Le Piton de la Fournaise s’est alors avéré providentiel. Une coulée de lave d’une éruption volcanique est une perturbation majeure pour tout écosystème ; elle fait table rase de la végétation et laisse une surface nue qui est ensuite recolonisée par les plantes par vagues successives.
En étudiant comment les communautés végétales se sont rétablies après chaque éruption, les chercheurs ont réalisé que les espèces végétales à grandes graines ne se rétablissaient pas complètement car la faune associée avait changé depuis l’éruption précédente. « Nous avons analysé 151 relevés de végétation sur des coulées de lave datant entre 1401 et 1956 après J.-C.« , écrivent les auteurs de l’article. Le suivi de l’évolution de la végétation sur cinq siècles « a permis de mettre en évidence le rôle important que ces animaux perdus ont joué pour ces forêts« . Les scientifiques affirment ainsi que c’est lorsque les animaux les plus aptes à disperser leurs grosses graines ont disparu, que les arbres comme le bois de fer de Bourbon ont également commencé à s’effacer du paysage.