La communauté scientifique s’inquiète de la déforestation qui s’accélère en Amazonie, et qui pourrait contribuer à l’émergence de nouvelles zoonoses, comme celle du Covid-19.
Alors que le lien entre la pandémie de COVID-19 et le commerce des espèces sauvages et la destruction de la biodiversité apparaît de plus en plus clairement, des chercheurs affirment que les activités humaines croissante en Amazonie – industrie du bois, extraction minière, ou encore élevage – créent également les conditions pour l’émergence de futures pandémies. En 2019, la déforestation en Amazonie brésilienne a atteint son plus haut niveau en dix ans (9 762 kilomètres carrés de forêt coupés). Or les scientifiques alertent sur le fait que la déforestation concourt directement à l’émergence de nouveaux virus et bactéries responsables de nouvelles épidémies. Les vertébrés sauvages, en particulier les rongeurs, les chauves-souris et les primates, abritent des agents pathogènes nouveaux pour le système immunitaire humain. Si leur habitat est déboisé et que ces animaux rentrent en contact plus étroit avec l’homme, les risques de transmission de pathogènes augmentent.
Le feu est l’un des moyens par lesquels la déforestation entraîne l’apparition de nouvelles maladies. À la mi-août 2019, un groupe d’experts internationaux sur les zoonoses s’est réuni en Colombie pour analyser l’impact des feux de forêt alors en cours en Amazonie. Dans leur déclaration, ils ont mis en garde : « La région amazonienne du Brésil, endémique pour de nombreuses maladies transmissibles ou zoonotiques, peut, après un incendie, déclencher une sélection pour la survie, et avec elle changer l’habitat et les comportements de certaines espèces animales. Celles-ci peuvent être des réservoirs de bactéries, de virus et de parasites zoonotiques« . Ce scénario d’incendie a déjà été vérifié ailleurs. En 1988, d’énormes incendies en Indonésie ont créé les conditions permettant l’émergence du virus Nipah. Les chercheurs pensent que le déclenchement des incendies dans ce pays a poussé les chauves-souris frugivores à fuir leur habitat forestier, à la recherche de nourriture dans les vergers. Ensuite, les porcs ont mangé les fruits que les chauves-souris avaient grignotés, devenant ainsi infectés par le virus, infectant finalement la population locale, frappée d’hémorragies cérébrales.
Il existe déjà au Brésil des exemples de maladies provoquées par une perturbation environnementale majeure. L’un de ces incidents concerne la rupture du barrage de Bento Rodrigues sur la rivière Doce, dans l’État du Minas Gerais, en 2015, considéré à l’époque comme la plus grave catastrophe environnementale de l’histoire du Brésil et qui a été suivie d’une épidémie de fièvre jaune. La biologiste Márcia Chame, de la fondation Fiocruz, spécialisée dans les sciences et technologies de la santé, a affirmé que la rupture du barrage, qui a entraîné une extrême pollution de la rivière Doce, a gravement affecté les animaux de son bassin versant. Victimes de stress et du manque de nourriture, ils sont devenus moins résistants aux maladies. De nombreux singes sont par la suite tombés malades de la fièvre jaune. Ces singes ont ensuite été piqués par des moustiques, qui s’en sont pris à leur tour aux humains, apportant la maladie dans les villes de la région.
Des processus similaires pourraient bien être en cours en Amazonie, bien qu’ils soient pour la plupart non examinés et non détectés. Une étude publiée en 2019, intitulée « Développement, dégradation de l’environnement et propagation des maladies en Amazonie brésilienne » a conclu que « trop peu d’attention a été accordée à l’émergence et à la ré-émergence des maladies à transmission vectorielle qui ont un impact direct sur la population locale, avec des retombées sur d’autres régions voisines« .