Au Salon de l’agriculture, la filière des semences clame sa volonté d’ouverture pour améliorer son image et emporter l’adhésion du public, notamment sur un enjeu crucial pour elle : utiliser les semences de demain.
Cela fait des années que le Gnis, interprofession des semences occupe le terrain, porte de Versailles, mais cette fois, il fait plus que jamais assaut de pédagogie. Sur son stand, tous les secrets de la « composition d’une graine » sont accessibles aux visiteurs qui peuvent également plonger la main dans des graines d’orge, de soja, ou de sarrazin, ou devenir incollables sur la culture de la pomme de terre et de la betterave. Le Salon, « d’une certaine façon, c’est la seule occasion d’être visibles par les consommateurs et les citoyens. On voit des milliers de personnes, c’est peu par rapport à la population française, mais chaque contact individuel est tout de même l’occasion d’un échange », explique à l’AFP
François Desprez, président du Gnis. Un thème pourrait animer ces échanges cette année: les semences issues de l’utilisation des « New Breeding techniques » ou « NBT », des outils qui permettent de modifier le génome des plantes, sans insertion de gène étranger. Des outils indispensables à la transition agro-écologique et pour maintenir la compétitivité, selon leurs défenseurs. Rien de moins que de « nouveaux OGM » pour leurs détracteurs. Ces derniers expriment des doutes quant à l’innocuité des procédés. Parmi eux, la Confédération paysanne a contesté avec d’autres organisations l’exclusion de ces organismes du champ d’application des règles concernant les OGM devant le Conseil d’Etat, qui a sollicité à son tour la Cour de justice européenne (CJUE). L’avis rendu le 25 juillet par cette dernière a constitué un sérieux revers pour les partisans des NBT : la CJUE a dit en somme que les organismes issus de la mutagenèse sont bien des OGM et doivent donc être soumis aux mêmes règles et précautions. « On importe du maïs OGM et du soja OGM pour le consommer et on n’a pas le droit de le produire, mais ça ne touchait qu’à deux plantes (…). Là, on parle de toutes les espèces, y compris les légumes, etc. On parle de tout ce qui compose notre agriculture végétale et notre alimentation, sur lesquelles le monde entier va pouvoir travailler, sauf nous, si on reste dans cette situation », s’alarme auprès de l’AFP François Burgaud, directeur des relations extérieures du Gnis.
L’enjeu financier est d’importance: la France est le premier exportateur mondial de semences agricoles, avec 1,6 milliard d’euros annuels de produits exportés, selon le Gnis, pour une contribution positive de près d’un milliard d’euros au solde de la balance commerciale hexagonale, de la part de cette industrie qui représente près de 17.000 emplois directs et 50.000 emplois indirects. Outre un stand plus grand public que jamais, le Gnis, pour valoriser son image, tente également de donner des gages d’ouverture. Il a ainsi annoncé récemment la création d’un « Comité des enjeux sociétaux », qui accueillera notamment des représentants de la société civile et des associations de consommateurs, pour informer l’opinion sur « ce qui est fait dans nos entreprises semencières, pour répondre aux attentes » sociétales, explique François Desprez. Autre gage d’ouverture, le Gnis a indiqué réfléchir à une évolution de sa gouvernance à compter de 2020. A l’heure actuelle, « le Gnis ne représente que la filière des semences commerciales, c’est-à-dire un peu plus de la moitié des semences qui sont produites en France et au sein des organisations qui sont membres du Gnis, il n’y a pas d’organisations qui représentent la petite moitié que sont les semences paysannes », pour lesquelles sélection et multiplication se font à la ferme, et non par les industriels, rappelle à l’AFP Guy Kastler, un des fondateurs de la Confédération paysanne. Pour lui, ces signes d’ouverture ont un but bien précis: alors que la nouvelle Commission européenne rouvrira le débat sur la directive OGM, « le Gnis veut préparer un tour de table qu’il présenterait comme représentatif de la profession et de la société, mais serait favorable à la déréglementation de ces OGM. Pour nous, c’est ça l’enjeu ». « On demande que la directive soit modifiée en insistant sur le fait que ces techniques (lesNBT) sont tellement plus avancées que la transgénèse (les OGM classiques) que c’est inimaginable de penser qu’on va s’en passer », déclare sans détour François Burgaud.