Agriculture : les habitats semi-naturels contribuent à la gestion des ravageurs (3 mn 30)

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Conserver des habitats semi-naturels comme des forêts, des haies ou des prairies permanentes semi-naturelles, peut bénéficier aux ennemis naturels des ravageurs des cultures et des adventices et donc indirectement rendre service aux agriculteurs : c’est ce que met en évidence un vaste consortium international impliquant des chercheurs de l’Inra. Une autre étude montre que l’agriculture bio est plus performante face aux agents pathogènes.

Optimiser la régulation naturelle des bioagresseurs (adventices et ravageurs) est un enjeu majeur pour le développement de l’agroécologie et la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Depuis deux décennies, un paradigme a émergé en agroécologie, indiquant que la composition des paysages agricoles, et plus particulièrement la part d’habitats semi-naturels (forêts, haies ou prairies semi-naturelles) est un facteur important pour expliquer l’activité des ennemis naturels des ravageurs des cultures ou des adventices. Un consortium mondial, conduit par les universités de Californie à Davis et de Stanford et dans lequel sont impliqués des chercheurs de l’Inra, a exploré cette question dans l’idée d’analyser, à l’échelle mondiale et pour une grande diversité de cultures, dans quelles mesures la composition des paysages jouait un rôle pour expliquer les niveaux de biocontrôle et leurs impacts sur les cultures.

Ce ne sont pas moins de 132 études différentes représentant plus de 18 000 observations d’ennemis naturels ou de bioagresseurs au cœur de plus de 6 700 sites distribués dans 31 pays répartis à la surface du globe qui ont été analysées pour répondre à la question de l’effet du contexte paysager sur les abondances de ces bioagresseurs et de leurs ennemis naturels, les niveaux de régulation des bioagresseurs, les dégâts sur les cultures et les rendements. Une diversité de situations variant des plaines agricoles de Californie aux plantations de cacao sous les tropiques en passant par les plaines céréalières d’Europe de l’Ouest a été observée. Cette base de données représente ainsi une opportunité unique de tester la robustesse et la variabilité des effets du contexte paysager sur la régulation naturelle à l’échelle globale.

Les scientifiques ont mis en évidence que la composition des paysages explique une part significative de la variabilité de l’activité des ennemis naturels, des niveaux de régulation ou des dégâts sur les cultures. Contrairement à leurs hypothèses initiales, ils montrent également que les effets des habitats semi-naturels sur la régulation naturelle varient de manière importante à la surface du globe, n’affichant aucune tendance constante. Bien qu’une partie des études montrent effectivement que le maintien d’habitats semi-naturels dans le paysage permet une augmentation de la régulation naturelle des bioagresseurs considérés, un nombre à peu près équivalent d’études montre également des effets négatifs de ces habitats sur la régulation naturelle. Ce travail de synthèse permet donc d’identifier les situations où conservation des habitats semi-naturels et régulation des ravageurs coïncident. Il souligne également la dépendance vis-à-vis du contexte paysager des réponses des différents groupes d’ennemis naturels et des niveaux de régulation naturelle.

Actuellement, ce même consortium poursuit ses travaux, cherchant notamment à intégrer d’autres variables explicatives (les caractéristiques écologiques des espèces, les pratiques agricoles), d’autres aspects de la structure des paysages ou des paramètres abiotiques pour arriver à mieux identifier les situations favorisant la régulation naturelle des bioagresseurs. La base de données mondiale ainsi constituée a vocation à être complétée et disponible pour tous pour traiter des questions connexes dans l’objectif de développer des outils d’aide à la décision permettant d’accompagner les agriculteurs dans la gestion des services de régulation naturelle dans les paysages agricoles.

Par ailleurs, l’intensification écologique des agro-écosystèmes, basée sur l’optimisation des fonctions écologiques telles que la lutte biologique, pour remplacer les intrants agrochimiques est une voie prometteuse pour réduire l’empreinte écologique de l’agriculture tout en maintenant la production de produits de base. Cependant, les performances de l’agriculture biologique, souvent considérée comme un prototype d’intensification écologique, en termes de lutte contre les ravageurs restent largement inconnues. Une autre étude internationale à laquelle ont participé des chercherus de l’INRA montre que, par rapport aux systèmes de culture conventionnels, l’agriculture biologique favorise le potentiel global de lutte biologique, qu’elle a des niveaux plus élevés d’infestations globales de ravageurs mais que cet effet dépend fortement du type de ravageurs. L’étude montre qu’il y a des niveaux inférieurs d’infestation par des agents pathogènes, des niveaux similaires d’infestation par des animaux nuisibles et des niveaux beaucoup plus élevés d’infestation par les mauvaises herbes dans les systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels. Cette étude démontre que l’agriculture biologique peut améliorer la lutte antiparasitaire et suggère qu’elle offre un moyen de réduire l’utilisation de pesticides synthétiques pour la lutte contre les parasites et les agents pathogènes des animaux sans augmenter leur niveau d’infestation.

Lire l’étude sur les paysages

Lire l’étude sur l’agrobiologie