Malgré un avis hyper-négatif de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), le ministère de la transition écologique s’apprête à autoriser une expérimentation conduite par Veolia et la FNSEA.
Peut-on utiliser des eaux usées, issues de station de retraitement, pour irriguer des terres agricoles ? En période de pénurie d’eau et d’inquiétude sur la disponibilité de la ressource dans les années à venir, la question suscite évidemment un grand intérêt. Plusieurs établissements de recherche, à l’INRA notamment, travaillent ainsi sur le « Re-use » (la ré-utilisation des eaux usées). Veolia et la FNSEA souhaitent accélérer le mouvement et mener prochainement une expérimentation, qui nécessite une autorisation gouvernementale. Les ministères de la transition écologique, de la santé, et de l’agriculture ont donc soumis à la consultation publique un projet d’arrêté visant à autoriser par dérogation cette expérimentation. L’ANSES, dont la consultation est légalement requise, a pourtant rendu un avis négatif, d’une sévérité inhabituelle.
Le Comité d’experts spécialisés (CES) de l’ANSES déplore dans son rapport le caractère bâclé du dossier qui lui a été soumis, et relève qu’il a dû aller rechercher les détails de l’expérimentation envisagée sur le site de France-Expérimentation ! Puis, « considérant :
– les dangers chimiques et microbiologiques persistants dans les EUT,
– l’absence de démonstration du caractère innovant revendiqué par le porteur du projet,
– l’absence de description du projet,
– la demande du porteur du projet de déroger à des exigences réglementaires sans que :
- soit apportée la preuve scientifique de l’absence de risque environnemental et de risque sanitaire pour la population générale et les travailleurs,
- soient présentés les bénéfices potentiels de l’innovation revendiquée qui pourraient justifier cette prise de risques, le CES «Eaux» émet un avis défavorable au projet d’arrêté dérogatoire, au regard des informations fragmentaires disponibles ».
Dan son rapport final, l’ANSES adopte les conclusions du CES « Eaux ».
Par ailleurs, elle rappelle que :
« Les eaux usées même traitées pouvant contenir des micro-organismes pathogènes et des éléments organiques et minéraux potentiellement toxiques, l’Anses n’a pas estimé possible, en 2012, de conclure à l’absence totale de risques chimiques et microbiologiques liés à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) par aspersion par voies respiratoire et/ou cutanéo-muqueuse. L’Agence a alors préconisé de limiter au maximum l’exposition de l’Homme aux EUT lors des opérations d’aspersion.
En complément des dispositions fixées dans l’arrêté du 2 août 2010, l’Anses a notamment recommandé la mise en place de distances de sécurité modulées en fonction du type d’asperseur utilisé, correspondant a minima à 2 fois la portée de l’asperseur, à respecter quelle que soit la vitesse du vent.
L’Anses souligne l’absence totale de description du projet notamment concernant sa localisation précise, l’origine des eaux usées, le traitement appliqué, la rose des vents, les superficies d’épandage, les populations exposées, les distances par rapport aux habitations, aux voies de circulation.
Elle regrette qu’aucune donnée scientifique n’ait été apportée pour démontrer l’efficacité du traitement seul pour assurer la protection de la santé des travailleurs et de la population générale lors d’une opération de REUT par aspersion ».
Sur son site, le ministère de la transition écologique indique pudiquement que « Les ministères ont saisi l’Anses sur le contenu technique du projet d’arrêté ministériel. L’Anses a rendu son avis le 10 juillet 2017. L’avis est disponible sur le site internet de l’Anses », mais le projet d’arrêté soumis à consultation ne tient aucun compte de cet avis.