FNE : état des lieux de la protection de la biodiversité en Europe et en France

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Alors que la directive « Habitats-Faune-Flore » fête cette année ses 25 ans, France Nature Environnement (FNE) dresse le bilan de l’état de conservation de la biodiversité à l’échelle européenne et française et formule 15 propositions pour relancer la dynamique Natura 2000.

La directive n°92-43 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats-Faune-Flore » (directive HFF), a été adoptée le 21 mai 1992. Elle programme notamment un dispositif de protection strict, ainsi qu’une évaluation périodique (généralement tous les 6 ans) de l’état de conservation pour plus de 400 espèces d’intérêt communautaire (espèces sauvages menacées ou caractéristiques) ainsi que leurs milieux de vie (leurs habitats : alimentation, repos, hibernation) en Union Européenne.

Le succès le plus notable de la directive est la création d’un réseau de « zones spéciales de conservation » (ZSC), appelé Natura 2000, afin de préserver environ 900 espèces et 230 habitats d’intérêt communautaire. Outre les espèces, la directive HFF intègre ainsi, dans les politiques de préservation de la nature, la notion d’habitats naturels en tant que tels c’est-à-dire différents écosystèmes : prairies, tourbières, forêts, dunes littorales, etc. « Actuellement, le réseau Natura 2000 couvre 18,15% du territoire européen et près de 400 000 km2 de son espace marin, rappelle FNE dans un dossier consacré à la directive HFF. Si les activités humaines ne sont pas a priori interdites dans les zones Natura 2000, un dispositif d’évaluation d’incidences permet de mesurer leurs impacts afin de les éviter, réduire voire compenser. » De façon plus globale, le réseau Nature 2000 vise à maintenir les services écosystémiques rendus par les habitats protégés, tels que le stockage de CO2 ou l’épuration de l’eau. « Il a été calculé que le réseau Natura 2000 stockerait l’équivalent de 35 milliards de tonnes de CO2, estimées entre 600 milliards et 1,130 milliards d’euros », rappelle FNE. En 2013, la Commission Européenne a estimé ses avantages entre 223 milliards d’euros et 314 milliards d’euros par an, tout en indiquant que la mise en œuvre complète et la gestion du réseau pourrait soutenir 207 400 emplois « équivalent temps plein ».

La synthèse européenne de la première évaluation de la directive HFF pour la période 2007-2012 a révélé que seulement 16% des habitats naturels d’intérêt communautaire et 23% des espèces d’intérêt communautaire (hors oiseaux) sont en bon état de conservation au niveau européen. Plusieurs pressions et menaces anthropiques expliquent cette situation alarmante, en particulier notre modèle agricole dépendant des pesticides.

En France, 1 881 espèces bénéficient de ce statut de protection au niveau national ou régional grâce à la directive HFF. Dans un communiqué, FNE livre un exemple concret parmi d’autres : « la désignation en site Natura 2000 de la colonie de reproduction de Grand murin situé dans les combles d’une église alsacienne a permis des aménagements pour assurer leur pérennité, ainsi que des animations grâce à différents acteurs dont le Groupe d’Études et de Protection des Mammifères d’Alsace, association du mouvement FNE. » Toutefois, l’évaluation pour la période 2007-2012 montre que seuls 22% des habitats naturels d’intérêt communautaire et 28% des espèces (hors oiseaux) d’intérêt communautaire sont en bon état de conservation en métropole, suivant ainsi la tendance européenne. Avec 12,84% de son territoire métropolitain classé en sites Natura 2000, la France se classe seulement 23ème en termes de surfaces désignées par les 28 pays de l’Union européenne et présente des disparités interrégionales importantes. De plus, de nombreux problèmes d’animation, de gestion et de financements empêchent d’appliquer correctement la directive, avec pour conséquence 34% des zones de protection spéciale et 19% des zones spéciales de conservation touchées par des dégradations ou susceptibles de l’être.

Afin de permettre une meilleure mise en œuvre de la directive HFF, la Commission Européenne a présenté le 27 avril 2017 un plan d’action « pour le milieu naturel, la population et l’économie ». Il prévoit de renforcer le réseau Natura 2000, notamment en comblant les lacunes relatives aux habitats marins. Lundi dernier, les 27 Etats membres de l’UE, réunis en Conseil Environnement à Bruxelles, ont adopté ce plan, reconnaissant le mauvais état de conservation d’un certain nombre d’espèces et d’habitats protégés par les directives HFF et Oiseaux. Dans le même temps, la Commission européenne prévoit d’accompagner leurs efforts en augmentant de 10% le budget du programme Life consacré aux projets en faveur de la conservation de la nature. Ce plan est jugé toutefois insuffisant par FNE pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne pour la biodiversité d’ici 2020. L’association a donc repris et élargi 15 propositions formulées en 2007 pour contribuer à faire du réseau Natura 2000 un outil ambitieux de la reconquête de la biodiversité. Une des plus importantes entend « compléter le réseau Natura 2000 pour corriger les disparités de transmission, en premier lieu dans les zones à forts enjeux de conservation, principalement dans les domaines Atlantique et Continental. » Reprenant les notions de trames verte et bleue, FNE propose d’« entreprendre la détermination concrète de la notion de « corridors écologiques » afin de constituer un réseau écologique fonctionnel. » Parmi les propositions audacieuses, la recherche d’une « reconnaissance juridique des sites Natura 2000 » permettrait de prévenir leur dégradation volontaire ou involontaire. Cartographier les zones naturelles, cibler les efforts sur les espèces menacées, faciliter le dialogue constructif avec la société civile et repenser le dispositif de gestion, notamment sur la cohérence des mesures et les moyens budgétaires, pour faciliter l’application des mesures de conservation figurent également parmi les propositions.