S’il veut se montrer à la hauteur de son prédécesseur au ministère de l’Intérieur, M. Retailleau doit marquer immédiatement les esprits par une mesure symbolique de sa fermeté et de la vigueur de ses biscoteaux. M. Darmanin avait dissous les Soulèvements de la Terre (avant que le Conseil d’État ne lui enseigne quelques rudiments de droit) ? M. Retailleau doit dissoudre séance tenante le Conseil supérieur du Notariat (CSN). Parfaitement ! Les notaires !
Sous leurs dehors de tabellions amidonnés, ces gens sont d’authentiques écoterroristes, des blackblocks du Code civil dont l’unique objectif, ne nous leurrons pas, est de saper l’un des piliers de notre société : la propriété privée, érigée depuis 1789 au rang de « droit inviolable et sacré ».
En amont du congrès annuel des notaires, qui se tient cette semaine, le CSN vient de publier des propositions visant à « mettre en relation droit de l’urbanisme, droit de l’environnement et droit de la propriété ». Parmi ces propositions : doter l’arbre, dans le Code civil, d’un statut d’« organisme vivant dont la préservation est d’intérêt général ». Et il ne s’arrête pas là : « Dans le même esprit, poursuit le CSN, nous proposons d’encadrer le droit du voisin de couper les racines et d’élaguer les branches (…) en le subordonnant à la démonstration d’un trouble anormal ».
Décidément en roue libre, ces bolcheviks proposent rien de moins que la collectivisation des forêts. Parfaitement ! Oh, ils ne l’écrivent pas comme ça. Ils ressuscitent sournoisement la notion de « bien commun » théorisée par la politologue américaine Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Si on les écoutait, les préfets se verraient reconnaître la possibilité de définir des périmètres de gestion collective permettant de regrouper les droits forestiers des terrains de moins de 20 hectares. Dans quel monde vivons-nous ?
Hors de la forêt, rien ne résiste à leur fureur révolutionnaire. Pour sécuriser les acquéreurs de biens immobiliers, ils souhaitent alourdir les contraintes pesant sur les vendeurs, « en rendant obligatoire la réalisation, confiée à un organisme agréé, d’un état des risques et des pollutions ».
Vu la puissance du lobby de l’industrie forestière et l’action qu’il conduit au cœur de l’État, nul besoin d’être grand clerc pour deviner le sort promis à ces propositions notariales : un massacre à la tronçonneuse.