Classer plus, protéger moins ?

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C’est officiel : l’humanité a respecté son engagement de protection de 17% de zones terrestres (plus de 22,5 millions de km2) pris en 2010 à Aichi. L’annonce est au cœur d’un rapport conjoint de l’ONU et de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Soucieuses de ne pas sabrer le champagne trop vite, celles-ci appellent toutefois à plus d’efforts côté mers et océans, et à améliorer la qualité de la couverture des aires protégées, car « environ la moitié font bien les choses, mais l’autre moitié pas du tout« . La littérature scientifique abonde sur l' »effet réserve » engendré par la protection des écosystèmes : rétablissement des populations animales et végétales, restauration des services écosystémiques, etc. Le présupposé est toutefois que les mesures de protections soient effectivement implantées…

Or une autre partie – moins abondante et peu relayée – des études menées récemment sur le sujet reste pour le moins sceptique quant à l’efficacité réelle des aires protégées. En première ligne, la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) qui a affirmé, lors de sa « journée annuelle » du 3 novembre 2020, que plus des trois-quarts des différents statuts de protection dans le monde ne remplissent pas leur rôle par manque de moyens et de personnels. En outre, selon la FRB, les aires protégées manquent d’une définition consensuelle et ne recoupent pas les zones les plus riches en biodiversité. En écho à ces propos, une étude parue en janvier dernier dans Proceedings of the National Academy of Sciences affirme que 6 % des terres protégées de la planète ont déjà été défrichées et converties en terres agricoles, tandis qu’une autre publication en date d’avril montre que 15,7 % des forêts du monde sont désignées comme protégées, mais que seulement 6,5 % sont réellement conservées de manière efficace.

Les aires protégées pourraient donc être en partie un système de coquilles vides : dans les textes, des périmètres de conservation sont créés, mais sur le terrain peu d’actions concrètes sont entreprises. Pire : la dénomination « aire protégée » agirait peut-être comme une façade contre-productive en laissant croire que les écosystèmes sont hors de danger, alors que les menaces courent toujours. Classer plus pour protéger moins : la triste réalité d’un couvert d’aires protégées qui ne serait qu’une… jolie couverture ?