Bardot 1 – Chasseurs 0

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Au début, l’histoire est plutôt rigolote. La Fondation Brigitte-Bardot –d’ordinaire peu réputée pour son humour- signe une campagne nationale d’affichage portent ce slogan insolent : « Chasseurs, sauvez-des vies, restez chez vous ». Ni une, ni deux, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) attrait la Fondation devant le tribunal judiciaire de Cambrai, pour obtenir sous astreinte l’interdiction immédiate de cette campagne. Las, les juges se voient contraints de constater que, faute d’avoir inscrit dans ses statuts la défense des intérêts des chasseurs, la FNC n’a pas qualité pour agir : elle rentre donc bredouille à la maison. On peut se croire fine gâchette et s’avérer piètre juriste…

C’est après que ça devient moins drôle. Sous le titre La Fondation Brigitte-Bardot échappe à la justice, la FNC écrit : «  Bardot, sous couvert d’idolâtrie de nos amis (sic) les bêtes, a choisi le camp des extrêmes et ne s’en cache d’ailleurs pas. La preuve : sa campagne d’affichage nationale stigmatise les chasseurs avec une rare violence, en leur demandant en pleine épidémie de covid de rester chez eux ! ». Rare violence, ce slogan moqueur ? Et demander « en plein covid » aux chasseurs de rester confinés comme tout le monde vous range dans « le camp des extrêmes » ? Le président de la FNC, Willy Schraen, dénonce dans cette campagne « l’apologie de la stigmatisation, du racisme social, et disons-le de façon plus générale, d’une incitation à la violence et à la haine ». C’est tout ? « Si on laisse de telles choses se banaliser, la violence deviendra demain le seul moyen de dialogue entre les français. Aujourd’hui la chasse, demain la pêche, l’élevage, la religion ou la couleur de peau ? », poursuit sereinement le président Schraen. « L’ordre public continuera à se fragiliser d’avantage (re-sic), si on laisse cette militante extrémiste des animaux continuer à semer la haine entre les hommes ».

Il y aurait pourtant, entre les chasseurs et les défenseurs de la nature, bien des convergences possibles, au-delà d’un désaccord moral de base. Du reste, sur le terrain, des actions communes sont menées, le dialogue se noue parfois, et se révèle le plus souvent productif. Mais à l’échelle nationale, les postures populistes systématiquement adoptées par les dirigeants de la chasse vitrifient tout débat, tout échange, tout partage d’intérêts. Willy Schraen et sa garde rapprochée semblent nés pour illustrer jusqu’à la caricature la phrase de Camus : « la démesure est un confort, toujours, et une carrière, parfois ». Dommage.

Le match retour se jouera devant la cour d’appel.